Une députée libérale canadienne vient de déposer une motion « contre le racisme et la discrimination religieuse systémiques ». Rien là que de normal et de souhaitable a priori. Mais si l’on examine de plus près cette initiative, on s’aperçoit qu’elle est éminemment critiquable, voire dangereuse. Tout d’abord, elle ne s’applique qu’à l’islam, qui se trouve ainsi distingué des autres religions qui ne bénéficieraient pas des mêmes mesures protectrices. Bien sûr, on peut alléguer une menace « islamophobe » particulière, celle qui s’est concrétisée par un attentat meurtrier contre une mosquée au Québec. Mais est-ce vraiment rendre service aux musulmans canadiens que de leur conférer un statut particulier, qui relève peut-être de ce qu’on appelle la discrimination positive mais qui risque paradoxalement d’en faire de drôles de citoyens ? Apparemment privilégiés mais en fait ostracisés.
N’est-ce pas mettre quelqu’un en situation inférieure que de le protéger de toute critique, comme s’il était incapable de se défendre par lui-même, avec sa seule intelligence et sa seule liberté ? Pour ma part, je refuserais résolument un tel statut dérogatoire, en tant que catholique. J’estime qu’il est de mon honneur de me défendre à l’encontre de toute remise en cause de mes convictions. Pascal Bruckner a tout à fait raison de parler de « régression hallucinante » parce qu’elle déresponsabilise et infantilise ceux qu’elle prétend protéger. « La grandeur d’une foi, dit-il dans un entretien au Figaro, c’est sa capacité à se réformer, à s’adapter aux réalités du siècle. » Sans doute, quoi que par abus de langage Bruckner parle de réforme du dogme, formule tout à fait inadéquate. Il ne s’agit pas de réformer le dogme, il s’agit éventuellement de l’approfondir et de répondre aux objections qu’il suscite. La Contre-Réforme catholique du XVIe siècle a été ainsi pour l’Église catholique une période éminemment créatrice, le trouble apporté par la division de la chrétienté suscitant l’éveil d’étonnants génies religieux, ceux de l’école française de Bérulle et de saint Vincent de Paul, celle de la Compagnie de Jésus avec Ignace et ses prestigieux disciples. La liberté dans l’adversité peut faire éclore une nouvelle génération de théologiens, de saints et de mystiques.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 27 février 2017.
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