Dieu… tout-puissant ? - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Dieu… tout-puissant ?

Parmi les attributs divins, la puissance n’a plus la cote, malgré sa place dans le Credo. Grave erreur : car sans la toute-puissance, l’Espérance est vaine.
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© Catherine Leblanc / Godong

Les catastrophes du XXe siècle ont eu de grandes répercussions théologiques. Le déchaînement du mal s’est montré si accablant que certains théologiens ont conclu que l’idée traditionnelle de la toute-puissance de Dieu – qui gouverne toutes choses par sa méticuleuse Providence – n’était plus tenable ; il fallait réviser le concept. Reprenant le vieux dilemme d’Épicure, ils ont raisonné de la manière suivante : si Dieu était à la fois bienveillant et tout-puissant, il interviendrait pour empêcher le mal ; or, il n’intervient guère ; c’est donc soit qu’il n’est pas bienveillant, soit qu’il n’est pas tout-puissant. Reculant d’horreur devant la première branche de l’alternative, ils ont opté pour la seconde, qui permet d’innocenter Dieu… au prix de son impuissance.

Dieu se serait absenté

C’est l’idée fondamentale du célèbre livre de Hans Jonas, Le Concept de Dieu après Auschwitz (1984), lui-même influencé par les réflexions de chrétiens comme Dietrich Bonhöffer et Simone Weil : Dieu aurait en quelque sorte abdiqué sa puissance et renoncé à gouverner le monde. Dans la théologie juive, cela se formule par la reprise d’un vieux motif issu de la mystique kabbalistique, le « Tsimtsoum », qui désigne le mouvement de contraction, de retrait, par lequel Dieu aurait créé le monde. Pour que nous soyons, il faut que Dieu s’absente. « Dieu, disait Hölderlin, a créé l’homme comme la mer a fait les continents : en se retirant. » Dans la théologie chrétienne, la même thèse s’appuie sur le thème christologique de la « kénose », qui désigne l’auto-anéantissement du Fils, prenant condition d’esclave (Ph 2, 6)
Dans les deux cas, l’idée est la même : Dieu serait réellement devenu impuissant, et ce dès l’origine. Il serait donc absurde de lui reprocher sa non-intervention. « Au commencement, écrit Jonas, par un choix insondable, le fond divin de l’Être décida de se livrer au hasard, au risque, à la diversité infinie du devenir. Et cela entièrement : la divinité engagée dans l’aventure de l’espace et du temps ne voulut rien retenir de soi. »

Touchant… mais absurde

Que penser de cette « solution » au mystère du mal ? Par ses intentions, elle a quelque chose de touchant et de très noble : elle préfère imaginer Dieu impuissant plutôt que de supputer les raisons que l’Éternel aurait pu avoir de tolérer la souffrance des innocents. Ce faisant, elle évite l’erreur que commettaient les amis de Job, qui tentaient de justifier les malheurs subis par ce dernier. Elle n’est pourtant pas acceptable.

Métaphysiquement d’abord, elle est absurde. La toute-puissance de Dieu n’est pas un attribut amovible, que Dieu pourrait perdre ou abandonner. Il s’agit d’un attribut essentiel, ce qui veut dire que Dieu ne peut pas plus cesser d’être tout-puissant qu’un triangle ne peut cesser d’avoir trois côtés. Cela, nous le savons par la philosophie, qui démontre que Dieu est l’Être pur, absolument en acte, doté d’une puissance infinie, par laquelle il porte dans l’existence tout ce qui est. Si Dieu, par impossible, abdiquait sa puissance, l’Univers cesserait d’exister instantanément (cf. Somme théologique Ia, 25, 3 et 104, 1).

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