Le jour de Noël 2014, le Wall Street Journal a publié un essai de l’auteur évangélique primé, Eric Metaxas : « La science se déclare de plus en plus en faveur de l’existence de Dieu ».
Il commence par dire que dans un passé récent les gens acceptaient l’affirmation que : « A mesure que la science progresse, on a moins besoin d’un « Dieu » pour expliquer l’univers.
Mais à présent, Metaxas déclare que cette affirmation est en train de devenir obsolète : les découvertes actuelles en science nous montrent que l’apparition de la vie dans l’univers est si improbable qu’il apparaît de plus en plus clair qu’une certaine intelligence maîtresse est probablement derrière.
Mais cette façon de concevoir Dieu comme Créateur est-elle juste ? La base rationnelle pour croire en Son existence dépend-elle des déclarations officielles de la science moderne? Devrait-on étalonner la profondeur de notre foi sur la base de ce que nous disent les chercheurs sur la plausibilité de « l’hypothèse Dieu » dans les récentes publications des principaux journaux scientifiques lus par les spécialistes ? La réponse à ces trois questions est non, puisque Dieu n’est pas une hypothèse scientifique. Pour cette raison, il est également vrai que les avancées dans nos connaissances scientifiques ne peuvent pas, en principe, jouer contre l’existence de Dieu.
C’est parce que Dieu — tel qu’Il est compris par l’Eglise Catholique et par la plupart des autres traditions déistes — n’est pas un être dans l’univers, un agent supérieur dont l’existence serait pour nous un postulat afin d’expliquer certains phénomènes naturels, mais plutôt, l’Être Lui-même, dont toute réalité contingente dépend pour son existence.
Afin de juger à quel point cette conception diffère du « Dieu Horloger » de Mataxas, supposez que dans quelques années, les scientifiques nous disent, qu’après des recherches plus approfondies, de nouvelles découvertes et des théories confirmées, l’apparition de la vie dans l’univers ne soit pas si improbable que cela, après tout. Qu’arrive-t-il alors au « DIEU » de Metaxas ? Il est désormais superflu, et Metaxas devrait alors admettre que les déistes sont une fois de plus irrationnels, comme ils l’étaient apparemment quand l’hypothèse Dieu (temporairement obsolète) s’était fait mettre au tapis la dernière fois que la science lui avait porté son meilleur coup.
Etant donné les arguments que Metaxas résume dans son essai, il est tentant pour le déiste d’avancer de telles preuves en toute confiance. Quand on est confronté à un groupe d’athées « de village », éternellement ennuyeux et globalement accessibles, qui énoncent que les découvertes scientifiques ont vaincu la croyance en Dieu, il n’y a rien de telle que la Schadenfreude (joie maligne qui se réjouit du malheur d’autrui) pour montrer aux gardiens autoproclamés de la raison qu’ils ont été pris à leur propre piège. Mais il ne vous faudrait pas céder à cette tentation. Car en agissant ainsi, vous confirmeriez l’hypothèse erronée de l’athée, que la rationalité de la croyance en Dieu dépend de l’absence de représentation scientifique de n’importe quel phénomène en question.
La clé pour répondre à une incrédulité aussi mal informée est de contester cette assertion, ce qui est relativement facile à faire. D’abord, c’est la philosophie et non une quelconque science empirique, qui est la discipline convenable pour entreprendre la recherche dans la théologie naturelle. En fait l’incroyant, ironiquement, admet ce point même, en commençant par la science. Comment cela est-il possible ? Sa conviction que la science est le meilleur ou le seul moyen par lequel on peut convenablement affirmer la rationalité de la croyance en Dieu n’est pas elle-même une déclaration officielle de la science, mais une conviction philosophique concernant la science et sa relation aux limites de notre connaissance. Ainsi, qu’il s’en rende compte ou non, le critique scientifique de Dieu commence par la philosophie, ce qui signifie que c’est par la philosophie et non par la science que la personne raisonnable devrait commencer.
Deuxièmement, l’argumentation philosophique en faveur de Dieu — comme St Thomas d’Aquin et ses disciples l’ont formulée — commence par la contingence de l’univers, qui est une affirmation philosophique et non scientifique. Quelle que soit la façon dont l’univers et ses composants sont faits, qu’il consiste en atomes, fromage suisse, ficelles ou en quelques étranges particules fondamentales encore à découvrir, et, qu’il s’agisse de savoir si l’univers a eu un commencement dans le temps, cela ne joue aucun rôle dans cette analyse.
Rechercher des preuves improbables dans la nature qui ne peuvent relever ni du hasard ni de lois scientifiques, et ensuite, à partir de là, conclure que l’on a « prouvé l’existence de Dieu » comme le déclare Metaxas, c’est confondre une question de sciences naturelles avec une question de théologie naturelle. Dieu, dans la tradition classique, n’est pas en concurrence
avec l’univers contingent. Il créée. Il est la cause première qui, elle-même, n’est pas contingente. Il n’est pas premier dans l’ordre du temps, mais premier dans l’ordre de l’être. Cela implique que cet univers contingent continue d’exister parce-qu’ il dépend de Dieu, Être qui se suffit à Lui-même, que l’univers ait ou non toujours existé.
Par exemple, que le mouvement perpétuel d’une machine soit impossible – même s’il s’agit d’un objet qui avait toujours existé, ne tient ni ne s’effondre à cause de la nature matérielle de ses composants, à savoir, s’il est fait de hamburger, de bois ou de pâte à biscuits, ou de quelque combinaison . Cela dépend plutôt de la nature de la machine. Donc, même si les sciences pouvaient nous donner une explication lisse et sans failles des phénomènes naturels de l’univers, cela n’aurait aucun impact sur la rationalité de la croyance en Dieu.
Quoique le cœur de Metaxas soit bien à sa place, le « succès » de son approche requiert qu’il abandonne de larges pans du domaine philosophique aux maîtres de l’incrédulité.
Ce n’est pas un prix que des déistes sincères seraient prêts à payer.
Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/01/02/god-not-scientific-hypothesis/
Illustration : « Dieu le Père » par Cima da Conegliano, c. 1515