Cette semaine de Pâques présente la singularité, pour nous autres Français, d’être aussi celle qui détermine le proche destin politique de la France. L’épiscopat s’est refusé à donner des instructions précises, laissant les fidèles à leur conscience afin de choisir l’un ou l’autre candidat, non il est vrai sans apporter quelques critères de discernement. Mais cette conjonction des temps liturgique et politique ne fait que mieux mettre en relief les relations des deux domaines.
Pour reprendre la célèbre expression présente dans les trois évangiles synoptiques : ce qui appartient à Dieu et ce qui appartient à César. On a voulu y voir l’origine, sinon le fondement, de ce qu’on appelle chez nous laïcité. Assertion qui réclame un sérieux discernement. Car, par exemple, le laïcisme qui veut exclure Dieu de la cité, et se confond avec une forme d’athéisme, n’a rien à voir avec ce que le pape Pie XII appelait « une saine laïcité de l’État ». Concept qui, au demeurant, ne se comprend vraiment que dans une cité historiquement liée au christianisme.
Arbitrages difficiles
Ce n’est pas que les relations des deux domaines aient été exemptes de difficultés d’arbitrage. Sous la monarchie française, les confrontations avec la papauté n’ont pas manqué pour démarquer les limites d’autorité du spirituel et du temporel, entraînant des crises jusqu’à l’excommunication des rois très chrétiens.
La loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905 a marqué une étape décisive, en rompant avec le régime traditionnel du Concordat, mais il ne faut pas oublier qu’elle n’aurait pu être admise par l’autorité catholique sans négociations pour faire respecter le caractère propre de l’institution. Depuis lors, la laïcité est souvent brandie comme un talisman propre à résoudre la question de l’intégration de l’islam dans la République. Mais cette religion correspond à des critères et des traditions très éloignés des nôtres, et on s’aperçoit à quel point une laïcité déliée du christianisme, qui a contribué à l’inventer, devient problématique.
Les choses ne s’arrangent pas lorsque tel ministre entend imposer la supériorité de la loi républicaine sur la loi de Dieu. C’est d’ailleurs la meilleure façon de provoquer l’hostilité des musulmans.
La loi civile et la conscience
La loi civile ne s’impose aux consciences qu’en vertu des services qu’elle rend au bien commun, à la paix de la cité et à la fraternité entre les citoyens. Dans son élaboration même, il peut y avoir des conflits graves qui vont jusqu’à l’objection de conscience. Comme l’écrit le Père Philippe Capelle-Dumont dans un livre récent : le croyant est « invité à entrer dans un processus argumenté et faire ainsi avancer, en homme de foi et en homme de raison, ce qu’il estime juste devant Dieu et devant la conscience humaine éclairée »1.
Tel est bien le défi qui s’impose à nous en cette période de concordance des temps. Rendre à César ce qui revient à César et à Dieu ce qui revient à Dieu, en n’oubliant pas que le spirituel se doit aussi d’éclairer la raison politique.