Dieu est mort - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Dieu est mort

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Si quelqu’un se trouve « avoir un problème avec le christianisme », le Vendredi saint devrait être un jour adéquat pour le résoudre. Par différents angles et à des degrés divers, les cultures païennes, dont la nôtre, se trouvent confrontées à un problème : les hommes meurent. Mais voici une religion pour laquelle, à un moment qui semble crucial, « Dieu est mort ».

Un problème, pourrait-on dire de façon humaine, que Jésus-Christ s’est créé Lui-même. Nonobstant la sombre prière à Gethsémani, ou plutôt à la lumière de celle-ci, il a marché vers Sa Crucifixion avec les yeux ouverts. Etant Dieu aussi bien qu’homme, Il savait implicitement et explicitement comment cela finirait.

« Aucune bonne action ne reste impunie », dans ce monde, et à l’extrême, il est impossible que l’homme qui incarne la bonté parfaite ne soit pas exécuté. Quand et où, cela peut être sujet à discussion ; les prétextes invoqués pourront être assez souples ; mais le destin du saint parfait est scellé depuis le début. Il en a été ainsi des martyrs du Christ au cours des siècles ; et cela a commencé avec le Christ Lui-même.

Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum, Jésus de Nazareth roi des Juifs. C’était le motif de condamnation cloué sur la Croix au-dessus de Jésus, et en latin, en grec et en hébreux, de peur que quelqu’un comprenne de travers. C’était une forme de moquerie, mais c’était également la procédure.

Notons qu’Il a été pendu (à la Croix) non pas pour avoir proclamé être Dieu. A l’époque comme maintenant, cela ne conduisait probablement qu’à l’internement. Non, le crime et l’infraction étaient de se mettre au-dessus de l’Etat, en se présentant comme législateur.

Depuis la perspective romaine comme rabbinique, c’était la plus haute trahison. Il n’était pas possible de revenir en arrière en paroles, comme « rendez à César ce qui est à César ». Vu le reste de Sa doctrine, qui avait été au moins partiellement entendue, cela aurait semblé une plaisanterie.

Jésus Lui-même n’a pas tenté une défense, et a laissé perdu ce pauvre Ponce Pilate (je peux facilement imaginer ce pauvre gouverneur désolé pour lui). Il est étrange, parce que banal, le dialogue que Ponce Pilate a avec lui-même. Il sent sa Ivy League, ou son diplômé d’Oxford. Jésus l’a réfuté par Son silence.

Pilate le sait. Il a une grande sympathie pour Lui. Il est une combinaison de cynisme et de bonnes manières (c’est de nouveau étrange parce que banal). Il aurait préféré laisser Jésus aller. Se tourner vers la foule pour demander son opinion était la mauvaise façon de s’y prendre, la démocratie échoue toujours.

Cela peut être déduit de l’enseignement même du Christ, qui ne néglige pas le péché originel. Abandonnés à leur propre jugement, les hommes vont toujours prendre conseil parmi eux, et ayant pris conseil, ils vont voter pour vous tuer. N’espérez nulle miséricorde de l’humanité. Ils auraient tué Barrabas également si Pilate ne leur avait donné que l’option « les deux » ou « personne ».

Jésus-Christ devait mourir, non pas parce qu’Il était le Fils de Dieu – cela ils n’allaient le découvrir que plus tard – mais parce qu’Il était un affront à l’Etat, à l’ordre institué des choses, et à l’orgueil des hommes qui veulent être leur propre maître.

Il avait insulté le Pouvoir. Pour l’ancien esprit païen, plus sophistiqué que nous sur certains points et moins sur d’autres, Il pouvait toujours battre la charge. S’Il était l’envoyé de Dieu, comme Il le prétendait, Il n’avait qu’à convoquer les légions du Ciel. Des guerriers angéliques pouvaient vraisemblablement expédier tout ça rondement.

D’où les railleries envers cet homme suspendu sur la Croix. Remarquez que alors qu’ils nient le Christ, ils ne nient pas Dieu. Même parmi les polythéistes de cette époque, comme parmi les hindous et autres de notre époque, la notion de déités n’est pas incompatible avec un quelconque Vishnou ou « être suprême ». Ce « suprême » semble ancré dans nos gènes, comme la tendance à se nourrir et au langage.

Dans les propos habituels, alors comme maintenant, « Dieu » pouvait être évoqué sans restriction. Même les athées les plus détestables mentionnent Dieu, assez obsessivement, je l’ai remarqué, car même eux ne peuvent échapper à ce mystérieux centre d’intérêt. Ils doivent renouveler leur déni chaque matin, de peur de déraper.

« Le problème avec ça » – avec la révélation chrétienne – est que cela devient un peu trop clair en ce qui concerne les caractéristiques de Dieu. C’était d’ailleurs une critique lancée à l’ancienne école philosophique Dvaita (dualiste, mais pas au sens occidental) de la Vedanta. En séparant ce qui était divin de ce qui était propre à la créature, ils devenaient trop spécifiques en ce qui concerne Dieu.

C’est gênant. Nous humains préférerions avoir un Dieu qui peut être tout ce que nous voulons qu’il soit, un qui ne nous imposerait pas trop ses valeurs, un qui ne serait pas si personnel. Adorons absolument cette force et demandons-lui d’être avec nous, mais pas si les messages passent dans les deux sens.

Le Christ, pour les anciens comme pour nos néo-païens, est la pire sorte de Dieu imaginable. On peut comprendre qu’on veuille Le tuer finalement, juste parce qu’Il est ce qu’Il est, et pour être venu nous sauver de nous-mêmes, pour venir importuner notre conscience (elle aussi inscrite dans nos gènes), et d’autant plus qu’il s’en approche près.

Et voilà un problème : qui a tué le Christ ?

Nous. Chaque chrétien l’apprend dans son cœur, ou devrait passer sa vie à l’apprendre. Bien sûr, nous préférerions blâmer les Juifs, ou les Romains, ou l’époque, ou quoi que ce soit que nous pourrions condamner et punir. Mais rien ne marche. Car même s’il est vrai que les autres ont participé, dans la mesure où nous sommes humains, nous étions là également et les mots « crucifie-le ! » sont sortis de nos propres lèvres.

Dans le mystère du sacrifice de la messe, nous reconnaissons cela ; dans la confession de nos péchés, nous rappelons toutes les fois où nous avons été pris sur le fait à renier le Christ ; et en cas de péché mortel, cela va plus loin, nous Le tuons à nouveau.


David Warren est un ancien rédacteur du magazine Idler et un chroniqueur dans des journaux canadiens. Il a une profonde expérience du Proche-Orient et de l’Extrême-Orient.

Illustration : « Ce que voyait Notre-Seigneur sur la Croix » par J.J. Tissot vers 1890 [musée de Brooklyn]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/03/30/god-is-dead/

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Ponce Pilate mon frère

https://www.france-catholique.fr/Ponce-Pilate-en-librairie.html