Depuis le 9 juillet, le Sud-Soudan constitue un nouvel État en Afrique. Certes, ce n’est pas le premier à s’inscrire à l’encontre des frontières héritées de la colonisation. En effet, après les échecs du Katanga et du Biafra dans les années 60 puis les vaines tentatives de l’Afrique du Sud de l’apartheid de créer les « bantoustans » du Bophuthatswana, du Ciskei, du Transkei et du Venda, l’Érythrée réussit à se faire reconnaître en 1991, tandis que la Somalie s’enfonçait dans la partition de fait, avec notamment la résurrection du Somaliland de l’époque britannique et le développement d’un Puntland plus qu’autonome.
Au niveau international, il s’agit du 193e pays officiellement décompté par l’Onu sur la carte du monde. Mais il faudrait y ajouter des puissances importantes comme Taiwan — reconnu par 23 États mais commerçant avec le monde entier — ou plus réduites comme la République turque de Chypre du Nord — un territoire de l’Union européenne occupé par une nation extérieure — et diverses régions se proclamant indépendantes du côté des Balkans ou du Caucase. Enfin, existent des territoires de type colonial, comme Gibraltar ou Sainte-Hélène, dont les habitants disposent d’une citoyenneté particulière sans pour autant réclamer la rupture des liens avec la métropole.
Cela dit, le nouvel État apparaît comme un concentré de problèmes. Né six mois jour pour jour après le référendum qui a approuvé la séparation d’avec le Nord dominé par des musulmans arabisés, il rassemble des peuplades — surtout des Dinkhas — à majorité catholique qui s’affranchissent enfin de plus d’un demi-siècle d’oppression politique, économique et religieuse — la charia était de fait appliquée partout.
Paradoxalement, ce pays de 650 000 km², peuplé de 8,5 millions d’habitants, apparaît comme l’un des plus pauvres au monde, avec 90 % des habitants vivant avec moins d’un dollar par jour, des mortalités maternelle et infantile très élevées et une population largement analphabète. Pourtant, le Sud-Soudan dispose de pétrole, mais c’est le gouvernement nordiste de Khartoum qui en profite, puisque toute l’exportation dépend des pipe-lines, des raffineries et des communications vers la mer Rouge. Si on y ajoute le fait que la partie de la frontière où se trouvent les champs pétrolifères n’a pas encore vu son tracé définitivement déterminé, on comprend l’état de guerre larvée qui y règne, avec toutes les conséquences habituelles : morts et déplacements de populations.
Par ailleurs, le nouvel État dispose déjà de 300 000 fonctionnaires. Pour l’Église catholique, dirigée par Mgr Paulino Lukudu Loro, il s’agit là d’un signe de la véritable « trilogie du diable » constituée par la corruption, le tribalisme et le népotisme. Il reste donc à mettre réellement en œuvre l’hymne officiel « God bless South Sudan [Dieu bénisse le Sud-Soudan] ! »