Deux villes, deux discours, deux rideaux - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Deux villes, deux discours, deux rideaux

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Préparant un itinéraire de vacances avec mon atlas routier, je suivais le tracé de la route inter-États N°70 dans le Missouri, et je repérai une ville à laquelle je n’avais pas pensé depuis des années : Fulton. J’y ai fait étape voici quelques décennies pour visiter l’Université Westminster, où Winston Churchill prononça son célèbre discours sur le rideau de fer en 1946.

Le discours était intitulé : ”La puissance de la paix”. Churchill y commit de lourdes erreurs. Il chanta des louanges enthousiastes sur les toutes nouvelles Nations Unies, organisme de paix pour le monde, souhaitant qu’on lui attribue des pouvoirs plus étendus, allant jusqu’à la création d’une force aérienne placée sous son autorité.

Mais il avait aussi bien raison à certains égards, en particulier dans sa description de la tyrannie du communisme et de la situation géopolitique à laquelle nous étions confrontés : « De Stettin, sur la Baltique, à Trieste, sur l’Adriatique, un rideau de fer s’est abaissé à travers le continent. » Cette scission de l’Europe et du monde en deux zones, l’une dominée par le communisme, et l’autre, libre, serait la base des relations internationales au cours des quarante-cinq années suivantes.

Churchill avait également saisi le schéma moral de la situation qu’il décrivait si justement. Il comprenait les nations-états comme composants ou instruments de la politique mondiale, et parlait de la ”force politique morale” d’une alliance entre les États-Unis et le Commonwealth britannique contre le communisme et en faveur de la paix.

Cependant, réfléchissant aux conséquences morales de la guerre et de la paix il se penchait non pas sur les états-nations mais sur l’impact profond du rideau de fer sur la cellule fondamentale des communautés, la famille :

« Quel concept stratégique devrions-nous donc adopter de nos jours ? Rien moins que la sécurité, le bien-être, la liberté et le progrès, pour tous les foyers, toutes les familles de tous les hommes et de toutes les femmes, en toutes contrées. Je pense en particulier aux myriades de foyers, maisons ou appartements, où le chef de famille se débat avec les accidents et difficultés de la vie pour préserver des privations sa femme et ses enfants et élever sa famille dans la crainte du Seigneur ou selon des règles éthiques pouvant jouer un rôle important. »

Voyant Fulton sur la carte, j’ai fait une pause. Quel appel en ces temps suivant la chute du rideau de fer abattu par les peuples d’Europe centrale (avec l’aide d’un pape polonais) ferait écho au discours prononcé par Churchill à l’Université Westminster de Fulton pour éclairer les buts moraux et maîtriser les évènements présents ?

La réponse se trouvera, à mon avis, lors d’une visite à une autre Université, loin du Missouri et de la route N°70, une Université proche de l’autobahn 93, non loin du tracé du rideau de fer :
à Ratisbonne.

Soixante ans après le discours de Churchill, S.S. Benoît XVI a prononcé en 2006 un discours dans son ancienne Université. Ce discours était axé sur le rideau de fer — c’est mon interprétation — tombé entre la foi et la raison. Le communisme athée, alors souci de Churchill, était un des effets de ce rideau tel qu’il est apparu ces derniers siècles.

La référence, en introduction, à l’éloge de la violence par le Coran pour répandre la religion musulmane et le rapide exposé par Benoît XVI du thème de la séparation de la foi et de la raison dans l’Islam soulevèrent une tempête de protestations dans le monde musulman. Le pape avait mis le doigt sur un des principaux problèmes auxquels l’Occident est confronté depuis la chute du mur de Berlin — l’Islam fondamentaliste. Et il en expliquait la pathologie avec bien plus de clarté et de concision que n’importe quel document, émis par les services de n’importe quel gouvernement, que j’ai eu l’occasion de consulter à ce sujet.

Mais ce rideau entre foi et raison partage aussi l’Occident lui-même. La conférence de Benoît XVI montre la ”déshellénisation » de la Chrétienté, qui évacue la part de raison de la foi, et en même temps donne le jour à une forme de raison excluant strictement la foi.

Foi sans raison, ou raison sans foi, mettent l’Occident en péril. Car tant de cultures étant religieuses, un Occident qui s’oriente uniquement vers le scientisme comme raison devient incapable d’échanges avec ces cultures. « Une raison refusant le divin et reléguant la religion au domaine des sous-cultures est incapable de participer au dialogue des cultures. »
Pourtant, c’est au sein de l’Occident que peuvent survenir les pires conséquences. Comme le disait le Saint Père, les effets pratiques de la science moderne sont bienvenus, et on ne souhaite pas un monde en régression, privé de science. Mais avec une forme de raison purement matérialiste, la vérité est réduite à ce qu’on peut mesurer par expérience. Dans un tel monde :

« c’est l’homme qui se rétrécit lui-même, car les questions spécifiquement humaines relatives à nos origines et à notre destinée, les questions soulevées par la religion et l’éthique ne trouvent plus leur place dans le domaine de la raison collective telle que définie par la ”science” et doivent être reléguées dans le royaume de la subjectivité. C’est alors le sujet qui décide, selon ses expériences, ce qu’il considère comme acceptable en matière de religion, et la ”conscience” subjective devient l’unique arbitre en matière d’éthique. Ainsi, cependant, éthique et religion perdent leur capacité à créer une communauté, et ne sont plus qu’une question totalement personnelle. »

C’est ainsi qu’en un discours unique le Saint Père réussit à décrire les dangers tant extérieurs qu’internes menaçant l’Occident, et il montre leur convergence. Ces deux dangers ferment le rideau entre foi et raison, tous deux se trouvant de part et d’autre du rideau.

Benoît XVI n’est pas le seul pape à avoir traité la question. Récemment Jean-Paul II a écrit sur le sujet dans son Encyclique ”Fides et Ratio”, et S.S. François (avec Benoît) y revient par l’Encyclique ”Lumen Fidei”.

Churchill à Fulton et Benoît XVI à Ratisbonne se dressent pour un examen lucide. Le rideau entre foi et raison aura-t-il le même sort que le rideau de fer, disparu en quelques décennies ? Le rideau entre foi et raison semble pouvoir durer des siècles, sombre et durable période que nous avons déjà entamée, et à achever au plus tôt. Il pourrait survenir un renversement soudain, inattendu, comme s’est produite la chute de l’URSS.

Alors, au travail — et prions.

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Photo : Churchill à Fulton en 1946.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/two-towns-two-speeches-two-curtains.html