«Je vous dis qu’aujourd’hui il y a davantage de martyrs qu’aux premiers temps de l’Église. » Le 4 mars 2014, à Sainte-Marthe, le pape François a rappelé une réalité surprenante, qu’il a réitérée ensuite à de nombreuses reprises. Réalité estompée par l’histoire, par la prégnance des grandes figures des origines du christianisme – les saints Étienne, Blandine, Agnès… Bien plus rares sont ceux qui ont entendu parler de saint Salomon Leclercq, de saint André Kim Taegon ou du bienheureux Giuseppe Girotti. Le premier, frère des Écoles chrétiennes, fut massacré à coups de sabre au couvent des Carmes à Paris en 1792. Le second, premier prêtre catholique de Corée, a été décapité à Séoul en 1846. Le troisième, dominicain italien, est mort à Dachau le 1er avril 1945.
La Révolution française, un laboratoire
Chacun d’eux, sélectionné dans la grande cohorte des martyrs contemporains, incarne un aspect singulier des persécutions commises dans la période moderne, qui part de la Révolution française. Celle-ci fit couler le sang des fidèles dans des proportions rarement atteintes, et demeure ainsi le laboratoire et la matrice des martyrs d’aujourd’hui. Pétrie dès son origine par la pensée antichrétienne des Lumières – Diderot, Sade, Voltaire – elle s’attache très tôt à combattre l’Église, comme en témoigne la nationalisation des biens du clergé, adoptée dès le 2 novembre 1789. La répression juridique et administrative cède ensuite la place à la violence aveugle à partir du renversement de la monarchie, en août 1792. Les religieux sont massacrés en masse, comme les 191 prêtres des Carmes assassinés lors des massacres de septembre et béatifiés par Pie XI en 1926. À Avrillé, près d’Angers, 99 prêtres, religieuses et fidèles, tués entre 1793 et 1794, ont été béatifiés par Jean-Paul II en 1984. Le bienheureux Noël Pinot, prêtre réfractaire monté à l’échafaud le 21 février 1794 à Angers en récitant l’antienne Introibo ad altare dei – « Je m’avancerai jusqu’à l’autel de Dieu » – est associé à ses martyrs. Le calendrier catholique retient aussi le sort des seize carmélites de Compiègne, guillotinées en juillet 1794 et béatifiées en 1906 – il s’agit des premières béatifications des martyrs de la Révolution, immortalisées par Bernanos dans son Dialogue des carmélites. Ou encore les 64 prêtres morts durant l’été 1794 sur les pontons de Rochefort, et proclamés bienheureux en 1995. En revanche, la première canonisation s’est déroulée récemment, en 2016 : il s’agit du frère lassalien Salomon Leclercq.
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