Jean XXIII et Jean-Paul II canonisés simultanément, voilà qui donne à penser à nos subtils analystes de la politique vaticane. Un commentateur de la BBC a exprimé l’idée que François avait ainsi réuni un pape progressiste et un pape conservateur dans une même promotion, afin de réconcilier les sensibilités contraires. J’ai même lu, je ne sais plus où, qu’il fallait éviter qu’une trop grande ferveur entoure le pape polonais, en le canonisant tout seul. J’avoue ne pas rentrer du tout dans ces petits jeux. J’ai une autre conception de l’Église, tout comme j’ai la faiblesse de croire que les hommes de Dieu qu’elle va nous proposer comme intercesseurs étaient au-dessus des catégories imposées. Je soupçonne aussi notre pape actuel d’avoir une connaissance plutôt approfondie de la période contemporaine et des enjeux de Vatican II. Ce qui expliquerait le vrai sens de sa décision.
Car si Jean XXIII prit la décision considérable de convoquer un concile œcuménique, il ne faut pas oublier que Mgr Karol Wojtyla y participa de bout en bout, tout d’abord comme évêque auxiliaire puis comme archevêque de Cracovie. Il devait avoir quarante-deux ans à l’ouverture de Vatican II, ce qui ne l’empêcha pas d’y avoir un rôle très actif. La cardinal de Lubac m’a souvent parlé de sa rencontre avec lui, qui date de cette période et dont il avait gardé un souvenir ébloui. On ne comprend rien au pontificat de Jean-Paul II si l’on n’a pas pris connaissance de l’importance du concile dans sa vie. Ce concile, il l’avait en quelque sorte anticipé avec sa formation intellectuelle, sa recherche philosophique et théologique. Il avait ensuite participé activement à l’élaboration des textes, surtout à la Constitution Gaudium et Spes, à laquelle il avait apporté sa structure doctrinale. Structure capitale par l’éclairage qu’elle donnait à l’action de l’Église dans le monde et au magistère pour les principaux documents qui suivirent le concile. Jean XXIII et Jean-Paul II se trouvent ainsi intimement unis à travers Vatican II auquel ils ont apporté le meilleur d’eux-même.
