Deuil et sang-froid - France Catholique
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Le trésor des psaumes
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Deuil et sang-froid

Il aura fallu un attentat visant de manière indiscriminée des Parisiens pour que le président de la République lance enfin les mesures d'urgence et de plus long terme qui s'imposaient.
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Plus nous avons d’amis ou de pa­rents loin de Paris, plus nous avons reçu de coups de téléphone inquiets. Sur Internet c’est encore plus énorme. Il faut croire que la France n’est pas un si grand pays, puisque nous connaissons presque tous, au minimum quelqu’un qui connaît une victime des attentats du 13 novembre. D’où un sentiment général de tristesse et de solidarité qui n’est pas feint. Est-ce une raison pour enfreindre les consignes policières qui demandaient de ne pas se rendre sur les lieux de l’attentat, le soir même, fût-ce pour y déposer une petite bougie ou des fleurs ? Quitte à ce que des mouvements de panique se déclenchent pour une ampoule de réverbère qui claque !

Soyons plus calmes, plus « professionnels » dans notre exercice de la citoyenneté et tout ira sans doute mieux. Globalement, le personnel politique, avant et après le Congrès à Versailles du 16 novembre, montre l’exemple — pour l’instant… D’une certaine ma­nière, le coup de semonce des attentats contre Charlie Hebdo, le 7 janvier, semble avoir enfin servi. En frappant presque au même endroit dix mois plus tard, les barbares islamiques nous font prendre conscience que tout ce qui a pu suggérer que, par leurs blasphèmes à l’égard de Mahomet, les caricaturistes étaient co-responsables de leur sort, est cruellement relativisé par la mort des victimes plus récentes. Le fait de prendre un train Thalys, d’aller voir un match de foot, de manger en terrasse d’un café ou de se rendre à un spectacle, ne peut susciter aucun jugement de valeur. Trêve de polémiques diviseuses, c’est notre droit de vivre, tout simplement, en tant que peuple et en tant que personnes, qui est refusé par les terroristes suicidaires de Daech. La proclamation de l’état d’urgence est parfaitement justifiée.

Le président Hollande a fait, le 16 novembre, après une visite très opportune à la Sorbonne comme symbole des valeurs de la culture, son discours devant le Congrès réuni à Versailles. Quarante minutes pour détailler des propositions tirées en partie du rapport de la commission Balladur de 2007 pour réformer nos institutions. Donner à la justice et à la police les moyens de contrôler et sanctionner les terroristes, surtout quand ils jouent de leur binationalité, créer des emplois de policiers, de gendarmes, de gardiens de prisons… qui pourrait le refuser ? Que cela passe par des modifications de la Constitution pour compléter les articles prévoyant l’état d’urgence ou d’insurrection, n’est pas très contestable. Que cela passe par l’abandon de toute rigueur budgétaire, ce serait le gros point faible des propositions du Président, sauf à ce que l’occasion soit également saisie pour enfin réformer l’économie et l’administration du pays… On pourrait alors parler de révolution.

C’est un peu ce que la France a proposé à ses différents alliés et partenaires lors des sommets internationaux qui se multiplient actuellement. Si par exemple la COP21, qui s’annonçait calamiteuse, pouvait faciliter un front uni qui irait de Barack Obama à Vladimir Poutine, en passant par l’Iran et les pays arabes, c’est là que des pages d’Histoire du monde étonnantes, voire enthousiasmantes, s’écriraient.

Trop beau pour être vrai tout cela ? Sans doute devrons-nous vite déchanter. Mais tout de même, en ces temps de deuil, un peu de sang-froid, de courage et de dignité et même de foi en l’avenir, cela fait du bien.