Chaque année, le mercredi des Cendres, le pape inaugure le Carême à l’église Sainte-Sabine à Rome, sur la colline de l’Aventin où fut décapitée en raison de sa foi cette sainte martyre convertie par sa servante. Le Souverain pontife s’inscrit ainsi dans la vénérable tradition romaine des églises dites stationnales, c’est-à-dire les paroisses romaines des premiers temps de l’Église, où sont enterrés bon nombre de martyrs.
Quant à nous, avouons-le : nous renâclons à entrer dans ce temps d’efforts et de renoncement. Signe qu’il est urgent de retrouver leur pleine signification à ces quarante jours qui mènent à Pâques, si l’on veut que la civilisation chrétienne conserve une consistance réelle dans les esprits et les cœurs, et ne soit pas un simple slogan !
Rappelons qu’après le temps des martyrs, les bases de cette civilisation ont été posées, entre autres, par l’héroïsme des moines et de la chevalerie, prête à sacrifier sa vie et payer le prix du sang pour défendre notre civilisation et un certain art de vivre. Mais cela ne se conçoit, en reprenant ce que disait Benoît XVI aux Bernardins en 2008, que dans une société où le désir de Dieu est premier, et ordonne tout le reste de la vie – et même la mort. Une société où le surnaturel a toute sa place, intimement lié à la nature et enraciné en elle. Dans la société chrétienne, résumait Péguy, « le surnaturel est lui-même charnel ».
Nul besoin d’être grand clerc pour saisir qu’aujourd’hui, cette civilisation a vécu, ou en tout cas ces liens très profonds se sont déliés et délités. Pour donner naissance à une société individualiste et matérialiste ayant chassé Dieu, où l’économie et la consommation commandent en maîtres. Sans pour autant avoir apporté plus de bonheur et de paix aux hommes…
Le sel de la civilisation
Dès lors, les catholiques n’ont plus d’autre choix, s’ils veulent redevenir le sel de cette civilisation, que de lui redonner son sens et son orientation première : le Ciel ! Ils ne doivent pas avoir peur de se réapproprier des notions essentielles comme le Salut, les fins dernières, et les moyens qui y conduisent : le sacrement de la confession en particulier, qui procure l’humilité confiante face au pardon de Dieu, ainsi que l’esprit de sacrifice qui rend les âmes généreuses et fécondes. Tels seront les thèmes que nous avons choisi, à France Catholique, de vous offrir au cours de cette série de Carême, afin de contribuer à notre mesure à le remettre dans l’axe.
Car il est urgent de redonner sa sève au christianisme, que la mollesse de notre époque tend, par contagion, à affadir… Ainsi, pour redevenir ce « sel de la terre » dont le monde a tant besoin, il est grand temps de revenir à ce courage, cette « virilité » de la foi – à laquelle hommes et femmes sont appelés… Une antique prière de bénédiction des Cendres rappelle ainsi que « nous luttons contre les esprits mauvais avec l’arme de l’abstinence ».
Le Christ était tout sauf un doux et gentil rêveur. Il a vécu jusque dans sa mort le combat spirituel. Le temps du Carême est une opportunité extraordinaire pour reprendre conscience de cette force que demande la vie chrétienne, et dont le combat fait inévitablement partie… N’ayons pas peur d’entrer dans ce combat où l’amour du Christ est vainqueur du mal en nous !