Il est un concept clé qui apparaît en filigrane dans votre propos : celui de civilisation. Pourquoi ?
Sonia Mabrouk : L’enjeu civilisationnel est essentiel. C’est le point de convergence de toutes les menaces et de tous les défis de notre temps, que ce soit sur le plan social, économique ou identitaire. La civilisation et les valeurs qui lui sont attachées nous portent encore. C’est même la dernière chose qui nous lie. Elle s’appuie sur une spiritualité, sur le souffle de Dieu, cette chose difficile à décrire, qui fait que nous partageons en fait une même essence et un même horizon. La civilisation est le fondement d’un projet de société, mais le concept est devenu tabou. Pourtant, la quête civilisationnelle permet de trouver du sens face à des projets politiques, sociaux ou économiques qui en semblent dépourvus, comme ceux que nous propose malheureusement la démocratie contemporaine.
On a voulu un homme nu et interchangeable dans un environnement privé de frontières et de garde-fous. Face à cette perspective, la civilisation peut constituer un projet. Encore faut-il avoir le courage de le porter.
Vous dites que le projet de civilisation est porté par les racines chrétiennes du pays. Elles sont donc toujours vivantes malgré les efforts de déconstruction ?
Même si l’on ne cesse de dénigrer ces racines, de les reléguer dans le passé, je pense qu’elles subsistent dans une grande partie de la population. Il existe un besoin latent, souvent non exprimé, de reconnexion avec ces racines chrétiennes. Moi qui viens d’une autre culture, je le ressens fortement. Je ne crois pas à la fin des civilisations parce que je n’arrive pas à m’y résoudre, contrairement, par exemple, à Michel Onfray qui affirme qu’il faut observer le bateau couler pendant que l’orchestre joue.
Comment préserver cette civilisation alors ?
En désinhibant le christianisme. Je ne comprends pas comment, dans un pays tel que la France – même si je connais le rôle structurant de la laïcité – la réaffirmation de ces racines chrétiennes est si difficile. J’ajoute que si l’on désinhibe le christianisme, si on renforce la civilisation occidentale et chrétienne, cela ne fera que rendre le plus grand service à l’islam. On prétend aujourd’hui que l’islam est conquérant, mais c’est faux. De plus en plus de musulmans s’attachent au communautarisme parce que leur islam est très faible. Si la chrétienté s’affirme, cela permettra de respiritualiser l’islam et de revenir vers celui que j’ai toujours connu, celui de mes grands-parents.
Retrouvez l’intégralité de l’entretien dans le magazine.
— Sonia Mabrouk, Douce France. Où est (passé) ton bon sens ? Plon, 2019, 172 p., 19 €.
— Sonia Mabrouk, Douce France. Où est (passé) ton bon sens ? Plon, 2019, 172 p., 19 €.