Ma chronique d’hier ne pouvait décrire suffisamment un phénomène social sur lequel s’est développée l’agitation inquiétante de ces derniers jours. J’y reviens donc aujourd’hui pour insister sur la nécessité d’une réflexion commune à ce propos. Réflexion qui devrait être au centre de la campagne présidentielle, mais qui s’y trouve plutôt mal traitée, avec notamment deux positions antagonistes, celle qui prend pour cible la violence policière et celle qui désigne la racaille des quartiers. Rien de positif ne se fera si on reste fixé sur ce blocage. Il conviendrait de s’attaquer au gros morceau qui est l’existence des quartiers, avec l’impossibilité actuelle de les sortir de leur misère économique, de leur situation de non-droit, en dépit des dizaines de milliards investis dans la politique de la ville par les divers gouvernements.
Dans un entretien au Figaro, Gilles Kepel résume d’une façon lapidaire ce qu’est cette France des anciennes banlieues. C’est celle « de l’ex-ceinture rouge, qui, sur fond de désindustrialisation, s’est transformée partiellement en ceinture verte, couleur de l’islam politique ». Face à cette réalité, certains sont tentés de dénoncer le danger, plus grave encore que celui des classes dangereuses du XIXe siècle. Le président Hollande lui-même n’a-t-il pas exprimé sa crainte d’une possible sécession de ces quartiers ? En même temps, un mouvement « islamo-gauchiste » s’emploie à prendre la défense de cette population, où elle voit l’alternance au prolétariat d’hier et la source d’une refondation d’un électorat de gauche. Mais cet espoir paraît fragilisé, en dépit des sollicitations d’un Benoît Hamon.
C’est le père Jean-Marie Petitclerc, fort de sa vocation salésienne et de l’inspiration de saint Jean Bosco, qui m’a apporté le trait de lumière, capable de débrouiller une situation aussi inextricable. Sa longue pratique du terrain, sa familiarité avec la population, et en particulier les jeunes, lui permettent de dire clairement les choses. La seule solution est le désenclavement des quartiers. On ne fera rien tant que ces quartiers seront fermés sur eux-mêmes. Il ne feront que reproduire indéfiniment leurs difficultés, leur mal de vivre. C’est dans l’échange avec les autres catégories sociales que se produira la mutation, avec peut-être l’espoir pour ces jeunes de se découvrir enfin une identité française, sui generis bien sûr, mais gage d’une sortie du tunnel.