Faut-il rentrer à nouveau dans les querelles qui concernent les réformes entreprises par Mme Vallaud-Belkacem dans l’Éducation nationale ? Sans doute, puisque dès la rentrée scolaire qui a lieu jeudi matin, les syndicats enseignants sont sur le pied de guerre et annoncent une grève dans les meilleurs délais. En dépit du vœu de la ministre qui voudrait que cette rentrée se déroule sous les meilleurs auspices, il apparaît que les désaccords graves manifestés dans les derniers mois, loin de s’être estompés, s’affirment à nouveau. Je ne reviendrai pas aujourd’hui sur leur nature spécifique. Je préfère m’interroger un instant sur les dommages causés par l’absence de communautés de vues et de convictions à propos de l’éducation de nos enfants et de nos adolescents. J’ai déjà dû citer plusieurs fois l’opinion de Charles Péguy sur les querelles scolaires qui sont en fait des querelles de civilisation. Comment en douter puisqu’il s’agit en premier lieu de la transmission du savoir et donc d’un héritage qui devrait être considéré comme un bien commun à tous ?
Jacques Julliard a publié un petit livre l’an dernier, où il exprime sa colère. Lui qui, depuis tant d’années, aussi bien à l’intérieur du syndicalisme que de l’espace politique, constitue une des voix les plus reconnues de la gauche, adresse un véritable ultimatum à cette même gauche à propos de notre culture fondamentale qui se trouve en péril. De son côté, Gilles Kepel, spécialiste reconnu des problèmes contemporains de l’islam, au terme d’un essai sur la menace djihadiste, ne voit de remède aux dérives morales d’une certaine catégorie de la jeunesse que dans une ressaisie de notre système éducatif. Mais une telle ressaisie exige d’abord une unanimité morale sur le contenu de la transmission.
Or il faut bien reconnaître à ce sujet que le malaise est profond. À mon sens, les choses étaient déjà très mal parties dès le début du quinquennat de François Hollande lorsque Vincent Peillon avait formulé en termes très idéologiques sa conception d’une école destinée à arracher les enfants à leurs déterminismes familiaux et culturels. Il ne disait pas religieux, mais on savait par la lecture de ses livres qu’il avait cette obsession en tête. Et la volonté d’imposer le module appelé « ABCD de l’égalité », dans le climat du débat sur le mariage soit disant pour tous n’avait rien arrangé. Madame Vallaud-Belkacem se plaint des accusations qui gâchent le climat de cette rentrée, mais elle devrait procéder à un examen sérieux des causes profondes qui empêchent un consensus véritable sur un sujet d’intérêt primordial. Oui, il faut refaire l’unité morale de ce pays autour de son école, et ce n’est pas gagné d’avance !
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 30 août 2016.