En dépit des apparences, il y a eu beaucoup d’autres périodes comme celles-ci (famines, guerres, pestes), bien que, peut-être, aucune n’ait si efficacement amené la totalité du globe à un arrêt presque total. Mais il y a des parallèles, des parallèles pleins d’enseignement.
Il y a juste 1600 ans, par exemple, le monde des Catholiques – un monde qu’ils partageaient avec de nombreux non-croyants – a basculé. En 410, les Vandales, dont le nom est devenu le synonyme de « voyous en maraude », ont mis à sac la ville de Rome, qui pendant 1000 ans était restée en grande partie intacte et intouchable. Cette crise a produit, parmi les croyants, comme parmi les païens, une profonde angoisse existentielle, questionnement et insécurité.
Par la Providence Divine, un homme a abordé cette crise et ses retombées. : l’Évêque d’un plutôt petit diocèse en Afrique du Nord appelé Augustin (354 – 430 A.D.). A travers l’objectif d’une foi scripturaire et sacramentelle sans faille (c’est-à-dire, catholique), il composa au cours de trente ans, une réponse sous forme d’une réflexion sinueuse sur l’histoire (en flux permanent) et la nature humaine (inchangée depuis la Chute).
En lisant sa « Cité de Dieu » on s’aperçoit que c’est encore valable de prendre le temps et faire l’effort de le lire ; on est richement récompensé des deux. En outre les païens identifiaient la cause de la disparition de leur monde avec l’abandon des dieux païens (et l’ascendance des chrétiens), St Augustin aussi dût composer avec beaucoup de catholiques en difficulté, certains d’entre eux avaient présumé que, maintenant que l’empire était officiellement « Chrétien », (depuis le début de 380 par un acte impérial), Dieu les protègerait naturellement de telles calamités. Ils avaient imaginé que cette alliance entre l’Église et l’état était le signe du commencement d’un progrès constant, de prospérité et de protection divine. Leur faible foi (dans une idée faible) était secouée par les évènements qui arrivaient quotidiennement, bien au-delà de leur contrôle.
Tôt, dans le premier livre de la « Cité de Dieu », Augustin observe (se référant aux enseignements de Notre Seigneur dans Matthieu 5) que les bons et les méchants vivent les caprices de cette vie : Ses hauts et ses bas, inconvénients et désagréments, joies, malheurs, et ses chagrins amères.
La différence n’est pas que les vertueux sont protégés de telles tragédies, alors que les méchants sont laissés à les supporter. La différence se trouve dans ceux qui les expérimentent ; « L’homme n’est ni élevé par les bonnes choses du temps, ni brisé par ses maux ; mais le méchant, parce qu’il est corrompu par les bonheurs de ce monde, se sent puni par ces malheurs ».
Augustin met en relief la plus grande signification de la vie et de la destinée, qui transcende le ici et le maintenant, l’ordre historique et temporel actuel. Les Chrétiens, vivant dans le ici et le maintenant, ne vivent pas simplement pour le ici et le maintenant. Ceux qui se lamentent sur les misères de la vie (Le monde est effectivement plein de tristesse et de souffrances) comme si cet ordre temporel était tout ce que les Chrétiens possèdent ou peuvent espérer, souffrent eux-mêmes de myopie spirituelle. Les vertueux feront bon usage même des inconvénients et des malheurs de cette vie, progressant en endurance patiente, espoir et charité. Par la même expérience, les méchants deviendront simplement plus amers, pleins de ressentiment, soupçonneux, et grincheux.
J’ai découvert tôt dans ce drame maintenant global, principalement en vivant dans une communauté groupant serrés environ 170 séminaristes et prêtres, qu’une épreuve comme celle-ci révèle rapidement les faiblesses et les défauts de notre caractère ; le pire de nous-mêmes tend à se manifester aux moments de tension et de stress.
La colère, le ressentiment, l’impatience, la débilité, l’auto-anéantissement, et la fragilité émotionnelle étaient juste un aspect moins appétissant de la nature humaine déchue que j’ai rencontré pendant ces quelques dernières semaines (certains en moi-même).
Une manière pour faire bon usage de la calamité actuelle est d’identifier quels sont les aspects les plus sombres de notre personnalité déchue qui ont émergé lors de l’incertitude et du stress des quelques récentes semaines. Puis les nommer et s’en repentir.
En face des famines, des guerres, des pestes à travers l’histoire, l’Église nous a régulièrement exhorté à la repentance, le premier et le plus basique élément de la prédication de Jésus. Dans cette vie, nous ne seront jamais capables (sauf si nous sommes fous) de nous dire « j’ai vraiment réussi une vraie vie chrétienne ; mon but est atteint ».
Comme nous l’enseigne St Augustin, nous sommes toujours, peregrini, des pèlerins ou voyageurs, ou comme St Thomas d’Aquin aimait le dire, in via, en chemin. Le « là » où nous nous dirigeons ne peut pas être trouvé simplement dans cette vie. Mais en même temps, la vie à venir n’est pas loin ; elle commence ici. Elle a débuté à notre baptême.
Nous avons commencé à vivre maintenant comme si c’était alors, pour ainsi dire, par notre configuration baptismale au Christ, le Seigneur ressuscité et glorifié, auquel Corps glorifié nous avons été associés par la grâce et à la gloire de duquel nous sommes appelés à manifester dans cet ordre temporel, ici et maintenant, à travers la charité qui est sienne et qui agit en nous et à travers nous. Mais l’âge à venir, bien qu’éclatant dans notre ordre déchu par la gloire du Seigneur Ressuscité manifestée dans son Église, n’est pas encore accomplie ici et maintenant. Nous devons encore faire face au péché, à la maladie, aux souffrances et à la mort.
Nous savons que la maladie et la mort, comme le péché qui nous infecte tous, sont tous les ennemis du Seigneur Jésus. Nous exprimons aussi, dans notre foi et adoration pascale, qu’Il les a vaincus. Alors que nous participons déjà, ici et maintenant, à cette victoire, nous savons aussi que l’expérience totale de cette victoire ne sera pas atteinte dans cette vie. Nous sommes faits, par la grâce, pour plus que cette vie.
Comme Augustin rappelle à ses contemporains stressés et confus que : « Le bonheur réel et durable est la possession distincte de ceux qui adorent ce Dieu par qui seul il peut être conféré. » Comme nous nous préparons à entrer dans la semaine la plus sainte de l’année, que chacun d’entre nous identifie et se repente de ses péchés, grandisse en charité et en espérance, aide à faire grandir les uns les autres, et tende la main comme nous le pouvons à ceux qui ont été le plus blessés et affectés par ce fléau actuel. Et en faisant ainsi qu’il manifeste, ici et maintenant, la victoire et la gloire du Seigneur Jésus Ressuscité.
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À propos de l’auteur
Mgr Michael Heintz, PhD, est doyen et professeur agrégé de Théologie Historique et Systématique au Séminaire de Mount St Mary, Emmitsburg, Maryland.