"Des hommes et des dieux" : Et maintenant le DVD - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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« Des hommes et des dieux » : Et maintenant le DVD

Le DVD de « Des hommes et des dieux » est mis dans le commerce ce 23 février. Deux jours après, seront remis les César au théâtre du Châtelet où le film part grand favori avec onze nominations, dont celles de meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario et meilleur acteur. Nous avons interrogé le Père Vincent Feroldi, délégué épiscopal aux relations avec les musulmans pour le diocèse de Lyon et bon cinéphile, qui suit la carrière exceptionnelle de ce film avec intérêt et joie.
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Comment expliquer un tel succès ?

Vincent Feroldi : En six mois, en France, ce sont en effet quelque trois millions deux cent mille entrées qui ont été comptabilisées. Un nombre important de spectateurs est même allé le voir deux, voire trois fois, et on ne compte pas les soirées-débats organisées autant par des paroisses que des salles d’art et essai ou municipales. Il a bénéficié d’un bon lancement, soutenu en particulier par les médias chrétiens qui ont accompagné la sortie du film de dossiers et de hors-série très documentés. Mais il y a eu aussi un incontestable phénomène de bouche-à-oreille aux motivations diverses, spirituelle pour les uns, historique et politique pour les autres (le drame algérien des années 90), ou encore cinématographique (qualité de l’image ou de la bande-son).

Est-ce pour vous une surprise ?

Oui et non. Il avait été triplement primé à Cannes : Grand prix du jury, prix du Jury œcuménique et prix de l’Éducation nationale, ce qui n’est pas rien. De plus il arrive à un moment de renouveau du cinéma français. Les salles ont connu en France une fréquentation record en 2010 avec 206,5 millions d’entrées, un résultat supérieur au niveau moyen des dix dernières années.
Mais le sujet même du film avait de quoi rebuter au premier abord, ne serait-ce que par son titre à consonance religieuse et philosophique ! De plus il touchait à une page douloureuse de la vie de l’Église et du peuple algérien. Aller le voir, ce n’était pas aller à une partie de plaisir. C’était oser se confronter au terrorisme, à la mort, au doute, à l’interrogation. Tout spectateur ne se souvient-il pas des longues minutes de silence qui prolongèrent la fin du générique à l’issue de la projection, dans toutes les salles du cinéma ?

Il reste que le film présentait bien des ingrédients qui avaient de quoi susciter la curiosité : la vie monacale, un enlèvement et des assassinats non encore élucidés, les rapports passionnels entre la France et l’Algérie, la rencontre ou le choc des religions, etc. Il ouvrait ainsi à la réflexion et à la discussion.

L’impact du film a pu être lié à la magie d’une projection devant un public re­cueilli, dans un climat de communion. Y aura-t-il une manière différente de le voir, seul chez soi sur son petit écran ?

Je vais vous avouer une chose : mes deux premières visions du film furent en juillet dernier, d’abord sur mon ordinateur personnel, puis devant une télévision avec le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, et M. Azzedine Gaci, président du Conseil régional du culte musulman Rhône-Alpes. Ce n’est qu’après que je l’ai vu sur grand écran.
Il est évident que la perception n’est pas la même. Rien ne remplacera la vision cinématographique dans une grande salle où rien ne vient vous troubler. Vous êtes tout au film et les conditions actuelles de projection sont vraiment au service de l’image et du son, de plus en plus important dans les films actuels. Souvenons-nous du chœur des moines interprétant Ô Père des Lumières de Didier Rimaud et de Marcel Godard. Ou encore de la voix rocailleuse de Michael Londasle, alias Frère Luc, parlant de l’amour avec une jeune fille.

Mais le DVD a cet extraordinaire avantage de vous permettre de faire de l’arrêt sur image, de revisionner une scène, de pouvoir organiser une soirée entre amis pour le regarder ensemble et en discuter ensuite. Sans parler – et j’espère qu’il en sera de même pour celui-ci — des bonus où souvent le réalisateur et des acteurs partagent leur vision du film ou de leur rôle.
Je pense aussi qu’il fera une carrière dans les clubs de cinéphiles ou en milieu scolaire. En effet, vous pouvez aborder le film sous différents angles. Ainsi, au rythme des quatre saisons qui culminent dans une dernière Cène où se partage un repas d’accomplissement et avec une « montée au Golgotha » finale dans la neige, nous communions d’abord à la vie quotidienne toute simple, puis à l’irruption de la violence et de la mort, avant de plonger dans le questionnement intérieur, fait de doutes et de convictions, et dans le sacrifice de sept hommes par amour pour un peuple et pour le Christ.

Prenez aussi l’extraordinaire travail de photographie de Caroline Champetier. Il sert admirablement leur et notre méditation. Lumière et éclairages donnent aux dialogues une profondeur remarquable. En filmant les visages comme des autoportraits de Rembrandt, pendant le « dernier repas », elle met en exergue choix personnels et décision commune, joie de l’accomplissement et tristesse d’une souffrance proche.

Passé l’événement médiatique, estimez-vous que ce film aura une influence plus durable sur la société française ?

Ce film n’est pas un documentaire. Il est une interprétation d’un événement, une méditation sur l’homme, une mise en exergue d’un huis clos, comme nous en offrent tant d’autres œuvres littéraires, théâtrales ou cinématographiques. Là est sa force !

C’est une véritable réflexion sur l’homme confronté à tout ce qui fait une vie : l’amour, la mort, la souffrance, la tendresse, Dieu, la peur, le doute, la révolte. Cette œuvre se confronte à une réalité violente : l’enlèvement et l’assassinat de sept moines. Mais elle ne peut l’expliquer complètement.
Armée et terroristes s’affrontent. Sans merci. Tous se heurtent aussi au choix de vie des moines qui viennent contrecarrer leurs plans : refus de donner des médicaments aux uns, refus d’accepter la présence permanente et protectrice des autres. Les religieux se veulent les frères de tous. Mais est-ce vraiment possible ?

Seule une foi profondément enracinée dans une humanité conçue comme vie de relation peut permettre aux habitants du monastère d’aller jusqu’au bout du dépouillement et d’une véritable kénose. Ils deviennent serviteurs d’un amour indicible pour ces femmes, ces enfants et ces hommes qu’ils côtoient au dispensaire, dans les champs ou au souk. Cet amour s’exprimera à travers les poèmes de Christophe, les réflexions de Luc, le médecin, et le testament de Christian que tout un chacun aura intérêt à lire ou relire.

Et sur les chrétiens en général ?

Oui, car demeure la question seulement évoquée dans le film mais pourtant au cœur de la quête des uns et des autres, à savoir celle de la diversité des chemins spirituels pour aller à Dieu. Il nous faut bien nous la poser à la lumière non seulement du message de Tibhirine, mais aussi des derniers événements au Proche-Orient : « Pourquoi l’islam ? Pourquoi le christianisme ? Pourquoi le judaïsme ? Faut-il vivre ensemble ? Et comment ? » C’est toute la question du dialogue interreligieux qui traverse le film et particulièrement le testament de Christian de Chergé. Ce texte est évidemment prophétique et ce sera à chaque communauté, en chaque lieu et à chaque époque, de le traduire en pages vivantes dans le contexte qui est le sien.

Et sur les cisterciens en particulier ?

Les héritiers de Tibhirine, dont le dernier survivant, sont aujourd’hui au Maroc, à Midelt, dans le monastère Notre-Dame de l’Atlas. Ils n’avaient pas été très favorables à la réalisation d’un film sur leurs frères. Mais après l’avoir visionné à la fin de l’automne, ils en ont reconnu les qualités et surtout la fidélité à ce que nous pourrions appeler l’esprit de Tibhirine.
Eux-mêmes, discrètement, se livrent en terre marocaine, d’un cœur libre et soumis, au service humble et caché de la toute-grandeur et de la toute-charité de Dieu, dans la louange des Heures, le travail de leurs mains et le partage total de la vie en communauté selon la règle de saint Benoît et l’esprit et les constitutions de l’Ordre de Cîteaux.

Hôtes du peuple marocain — musulman dans sa quasi totalité —, les moines souhaitent contribuer à témoigner que la paix entre les peuples est un don de Dieu fait aux hommes de tout lieu et toujours et qu’il revient aux croyants, ici et maintenant, de manifester ce don inaliénable, notamment par la qualité de leur respect mutuel et le soutien exigeant d’une saine et féconde émulation spirituelle. Ainsi, aux côtés des priants de l’islam, ils font profession de célébrer, jour et nuit, cette communion en devenir, et d’en accueillir inlassablement les signes en perpétuels mendiants de l’amour.

Et sur les musulmans ?

Reconnaissons-le ! Ce sont avant tout les musulmans engagés dans le dialogue islamo-chrétien qui sont allés voir le film. Ou ceux que des amis chrétiens ont emmenés au cinéma car ils voulaient par la suite en discuter ensemble. Le film parle peu de l’islam. Heureusement qu’il y a la bande son pour nous rythmer le temps par l’appel à la prière. Mais le réalisateur ne nous présente pas de figures précises de croyants musulmans.
Autre manque : le film n’évoque pas la vie ecclésiale qui ani­mait Tibhirine, en lien étroit avec l’Église diocésaine, l’ordre cistercien (la présence de Frère Bruno, supérieur de l’annexe à Fez, s’explique par le fait qu’il était venu à Tibhirine pour participer au vote pour le renouvellement du prieur) et le groupe de réflexion islamo-chrétien, Ribât el-Salam (« Le lien de la paix »), dont plusieurs membres étaient présents au monastère la nuit de l’enlèvement.

Vous connaissez le Maghreb. Le film y a-t-il été diffusé ? En a-t-on parlé ?

Quelques projections ont été organisées en Tunisie et au Maroc, devant un public francophone. L’accueil des Marocains a été chaleureux puisque le film a été tourné dans la région d’Azrou, au Maroc, et dans le monastère abandonné de Toumliline. Les paysages, les scènes de rue, la fête de la circoncision nous plongent en monde berbère du Moyen-Atlas.
Il y a peu de chances que le film soit diffusé en salles en Algérie. En effet, le réalisateur a marqué un parti-pris, à savoir l’implication — directe ou indirecte ? — de l’armée algérienne dans le drame final. à la scène de la nuit de Noël où le chef terroriste s’excuse de l’irruption de ses hommes dans le monastère, avant de tendre sa main à Christian de Chergé en signe de paix, s’opposent les scènes où les chefs militaires montrent clairement leurs désaccords avec les hommes de prière, que ce soit au monastère ou à la morgue. Mais le DVD circulera…


Du Grand silence, le documentaire de Philippe Groning en 2005, à Qui a envie d’être aimé ? lancé la semaine dernière, peut-on parler chez nous d’un renouveau des films chrétiens ?

Ce ne sont pas nécessairement des chrétiens ou des institutions chrétiennes qui produisent, financent, réalisent et jouent dans ces films ou d’autres. S’y rejoignent souvent des croyants et des non-croyants, intéressés par les mêmes thématiques et prêts à faire des choses ensemble. Depuis 1974, est tout de même très présent au festival de Cannes, un Jury œcuménique, composé de chrétiens venant du monde entier, mis en place par INTERFILM, organisation protestante internationale du cinéma et SIGNIS, association catholique mondiale pour la communication (qui vient d’ailleurs de décerner au film de Xavier Beauvois, le 4 février à Bruxelles, son prix du meilleur film européen).

Je préférerais parler d’un renouveau du « film d’auteur » et d’un « film du sens » où ce qui prime, c’est de poser le regard sur les grandes questions de notre société, dont la question spirituelle. Réjouissons-nous d’avoir ainsi pu voir ces dernières années des films comme Welcome et De l’autre côté sur les migrations, Le scaphandre et le papillon sur le handicap, Il y a longtemps que je t’aime ou Un prophète sur la réalité carcérale et la réinsertion…

© Archivision

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Si vous avez décidé de commander le DVD « Des hommes et des Dieux », merci de le faire auprès de notre partenaire, en signalant bien que vous venez de notre part :

DES HOMMES ET DES DIEUX

• de Xavier Beauvois

• 2010, couleur, 120 min.

• avec Lambert Wilson, Michael Lonsdale…

19,90 €

http://www.little-big-man.com/f/index.php?sp=liv&livre_id=272

Éditions LBM

15, rue du Colisée • 75008 Paris

Tél. : 01 48 01 01 01 • fax : 01 42 47 13 61

e-mail : commande@little-big-man.com

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À la mémoire des sept moines de Tibhirine

Dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, sept moines trappistes du Monastère de Tibhirine, en Algérie, sont enlevés et séquestrés pendant deux mois. L’assassinat des moines est annoncé le 21 mai 1996, dans un communiqué attribué au Groupe islamique armé.

En la nuit du 15ème anniversaire de leur enlèvement, vous êtes invités à un temps de recueillement islamo-chrétien, présidé par le Cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, Monsieur Azzedine Gaci, président du Conseil régional du culte musulman Rhône-Alpes, et Monsieur Kamel Kabtane, recteur de la Grande mosquée de Lyon, à la mémoire des :

– Père Christian de Chergé

– Frère Luc Dochier

– Frère Paul Favre-Miville

– Frère Michel Fleury

– Père Christophe Lebreton

– Père Bruno Lemarchand

– Père Célestin Ringeard

Il se tiendra le samedi 26 mars 2011 à 22h15 sur le parvis de la Primatiale Saint Jean-Baptiste à Lyon-5ème.

http://cdo-lyon.cef.fr/spip.php?article1270