« Donnez-leur vous-mêmes à manger ». Au premier abord, ces paroles de Notre Seigneur pourraient paraître étranges, et même rebutantes, comme si Jésus essayait de se défiler de son travail. Les apôtres lui avaient soumis une préoccupation raisonnable : Ils étaient dans un endroit désert, avec très peu de nourriture sous la main ; il fallait renvoyer les foules pour qu’elles cherchent des provisions. Mais au lieu de leur répondre avec générosité, comme Il l’avait fait tant de fois, Il semble en imposer la responsabilité aux apôtres : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ». C’est-à-dire « faites-le vous-mêmes ».
Ce qu’Il dit là aux apôtres n’est pas sans précédent. Cela ressemble par exemple, à ce qu’Il dit à sa mère aux Noces de Cana : « Femme, qu’y a-t-il entre toi et moi ? »(Jn II, 4). Ou la réponse à Moïse qui se lamente près de la mer Rouge : « Pourquoi ces cris ? Parle aux enfants d’Israël et qu’ils marchent. » (Exode XIV 15) Encore une fois, le manque apparent de prise en compte, et le transfert de responsabilité : « Fais-le toi-même ».
Du moins, on pourrait le considérer ainsi. Mais si l’on réfléchit à ces paroles, elles révèlent autre chose. Notre Seigneur n’esquive pas Sa responsabilité, et ne chasse pas les soucis, et Il ne dit certainement à personne « fais le toi-même ». Au contraire, il somme ses apôtres – et nous – de lui faire confiance et de coopérer à son œuvre.
D’abord, faire confiance. Les paroles brusques de Notre Seigneur ne sont pas un rejet des soucis des apôtres. Elles sont une invitation à faire confiance au travail qu’Il a, en fait, déjà commencé. Il commande aux apôtres de faire ce qui semble impossible parce que, dans son plan divin, il a déjà prévu qu’ils le feraient.
Dieu ne donne jamais un ordre sans avoir également – et déjà – donné la grâce d’obéir. Ici, la fameuse prière de Saint Augustin est instructive : Da quod lubes et lube quo vis – Donne ce que tu commandes et alors, commande tout ce que tu veux. C’est ainsi : Jésus commande quelque chose d’absurde – « Donnez-leur vous-mêmes à manger » – car il donne la possibilité de l’accomplir. Ses paroles brusques sont une invitation à avoir confiance dans le fait qu’Il est déjà à l’œuvre pour réaliser le bien qu’ils désirent.
Deuxièmement, et peut-être de façon encore plus évidente, Sa réponse aux apôtres, apparemment brutale, appelle leur coopération. Il veut qu’ils soient collaborateurs de son miracle. En effet, il englobe toujours nos efforts dans son œuvre. Ainsi, Moïse commandait aux Israélites et étendait son pouvoir sur la mer Rouge. Notre Dame a donné des consignes aux serviteurs.
Maintenant, les apôtres doivent apporter leur maigre offrande au Seigneur : « Cinq pains et deux poissons, c’est tout ce que nous avons ». Ainsi, ils commencent à participer au miracle du Christ. Eux, qui fournissent une petite contribution sont devenus les collaborateurs de son travail miraculeux.
Notre Seigneur nous apprend à être ses collaborateurs confiants au moment même où il nous donne une image de l’Eucharistie. La scène devient alors une leçon sur la façon de recevoir le corps du Christ. Comme nous l’enseigne la séquence de la messe d’aujourd’hui, bien que nous soyons nombreux à recevoir Notre Seigneur dans l’Eucharistie, l’effet n’en est pas le même pour tous.
Le mal et le bien se partagent la fête,
Préparant quels destins divers,
Mort éternelle ou vie éternelle.
.
Pour ceux-ci la vie, pour ceux-là la damnation,
Voyez combien la participation
Est en proie à des destins différents.
Recevoir la Sainte communion est sujet à des résultats différents. Si l’Eucharistie nous nourrit, et comment elle le fait, dépend de notre disposition – de si nous sommes des collaborateurs confiants.
Nous devenons tels d’abord en faisant confiance à ses paroles. « Amen, Amen je vous le dis, si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’Homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le relèverai au dernier jour. Car ma chair est une vraie nourriture et mon sang est vraiment un breuvage. » (JN VI 53-55) Et encore, « Prenez et mangez ; ceci est mon corps ». (Mt XXVI 26)
Ces paroles seraient absurdes et en fait blasphématoires si ce n’était pas Dieu lui-même qui parlait Tel qu’il en est, non seulement ces paroles sont dignes de notre confiance absolue, mais c’est seulement quand nous y croyons qu’elles nous sont bienfaisantes. A la messe, le Credo précède toujours la réception de l’Eucharistie : Nous devons croire en Sa parole avant de recevoir Son corps. Aussi, dans un autre hymne eucharistique, destiné à favoriser les bonnes dispositions, Saint Thomas d’Acquin dit, Credo quidquid dixit Dei Filius – Je crois tout ce qu’a dit le Fils de Dieu.
Puis nous répondons à ce qu’Il a commencé. L’initiative divine a toujours besoin de notre réponse humaine. Quand nous prenons un médicament – par exemple une pilule pour le mal de tête – nous nous attendons tout à fait à ce que cela produise de l’effet sans que nous y collaborions directement. La pilule fait son travail sans que nous veuillions autre chose de plus que sa consommation. Beaucoup de gens s’approchent de l’Eucharistie de la même manière, comme si c’était une pilule de sainteté, n’exigeant de nous rien d’autre que sa consommation.
Bien sûr, la grâce de Dieu ne fonctionne pas de cette façon. Notre Seigneur désire notre coopération, que nous ne soyons pas des récipiendaires passifs, mais des collaborateurs actifs et réactifs. En effet, Il désire que nous soyons collaborateurs dans l’œuvre de sanctification qu’Il a commencée en nous. Pratiquement, cela veut dire que nous nous préparions bien pour la messe et la réception de la communion, que nous priions attentivement à la messe, et que nous rendions grâce après L’avoir reçu.
Particulièrement en cette fête de Corpus Christi (le Corps du Christ) dont nous devons l’initiative à Saint Thomas d’Acquin, Puisse-t-Il nous donner la grâce de croire en Ses paroles et de répondre généreusement à Ses dons.
23 Juin 2019
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/06/23/trusting-coworkers/
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- LE MINISTERE DE MGR GHIKA EN ROUMANIE (1940 – 1954)
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- Conclusions provisoires du Synode sur la Parole de Dieu