Des catholiques indésirables ? - France Catholique
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Des catholiques indésirables ?

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À lire et à écouter certains commentaires, on aurait le sentiment que les catholiques, pour peu qu’ils s’affirment avec leurs convictions sur le terrain politique, seraient indésirables. Cela peut se décliner sous divers modes, avec un Jean-Luc Mélenchon lorsqu’il se laisse aller à ses humeurs anticléricales, avec tel élu de droite récusant par principe Sens Commun trop proche de La Manif pour tous, avec tel journaliste révoquant comme archaïque toute référence au patrimoine chrétien. Il est vrai, par ailleurs, que les réactions atrabilaires peuvent être renforcées par la réaffirmation de l’attachement à l’identité chrétienne de la France. Lorsque des candidats à l’élection présidentielle suivent l’exemple pionnier de Nicolas Sarkozy, en se rendant au Mont-Saint-Michel ou au Puy-en-Velay, c’est à un vrai débat de civilisation que nous sommes confrontés. Mais ce débat n’aurait pas lieu si la question de l’identité n’était pas posée, parce que l’opinion s’estime agressée et fragilisée à travers ses références culturelles spontanées.

Erwan le Morhedec a voulu dénoncer le danger de cette affirmation identitaire, en insistant sur les glissements idéologiques auxquels elle donne prétexte. Il est vrai qu’il y a une réelle possibilité de mutation de l’esprit évangélique en une sorte de « Kulturkampf  » à mille lieues des béatitudes. Toutefois, rejeter systématiquement les protestations liées à ce que Laurent Bouvet appelle « l’insécurité culturelle » ne serait pas plus judicieux que de cautionner tous les replis identitaires. Il y a une tâche de discernement à accomplir qui s’impose d’urgence, et elle peut se décliner de différentes façons. En quoi le christianisme a-t-il inspiré notre civilisation, en quoi continue-t-il à nourrir intérieurement nos jugements et nos comportements ?

Comment son influence transformatrice peut-elle se prolonger ? Pareil discernement ne peut faire abstraction de ce qui précède le christianisme dans l’histoire, et même de ce qui s’est affirmé parfois contre lui depuis les Lumières, car il a toujours reconnu les legs de la civilisation et la légitimité d’une certaine autonomie du temporel.

Mais indépendamment de cette réflexion nécessaire, c’est l’engagement concret des chrétiens dans la cité qui doit mobiliser nos énergies. Le théologien américain William Cavanaugh1 insiste sur l’imagination qui surgit de l’écoute de la Parole et de la célébration eucharistique, pour mettre en pratique des initiatives d’un genre nouveau, non seulement sur le terrain caritatif, mais encore sur celui de l’entreprise, de l’école, des divers lieux de sociabilité. La nouveauté de l’Évangile se manifeste en actes, elle peut anticiper sur un autre monde qui défie les impossibilités et les traumatismes d’aujourd’hui. 

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Photo : Madeleine de Jessey, porte-parole de Sens Commun.

  1. William Cavanaugh, Comme un hôpital de campagne, DDB, 426 p., 22,90 €.