Des catholiques identitaires ? - France Catholique
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Des catholiques identitaires ?

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Il fallait s’y attendre. L’évolution de notre pays, et plus généralement celle du monde, nous mettent en face de difficiles interrogations. Nous nous demandons de quoi demain sera fait, quels équilibres pourront s’établir entre les peuples et les continents. L’extrémisme islamiste poursuivra-t-il sa course infernale, en déstabilisant des régions entières et en apportant le trouble jusque chez nous ? La mondialisation de l’économie, avec ses flux incontrôlés, achèvera-t-elle ses processus de démantèlement de nos entreprises, en nous dépossédant de la maîtrise de notre destin ? Décidément, l’optimisme qui régnait durant les Trente Glorieuses a presque totalement disparu, même s’il a été brièvement relayé par l’euphorie de la chute du communisme. Face à ces incertitudes, on ne manque pas de stigmatiser l’émergence grandissante des populismes et la tentation du repli sur soi. Cette dernière se décline aussi souvent sous le mode de ce qu’on appelle la crispation identitaire. Celle qui fige une communauté dans le culte d’un passé fantasmé et d’un héritage menacé.

Ce sont les catholiques qui, aujourd’hui, seraient les plus atteints par ce syndrome identitaire. Erwan Le Morhedec, avocat bien connu, le blogueur réputé sous le nom de Koz, réagit à ce danger qu’il considère particulièrement aigu. Ce qui nous vaut un essai qui suscite d’ores et déjà la controverse1. Avec le réflexe identitaire nous serions en présence du « mauvais génie du christianisme », au sens où il dénaturerait la foi et le message évangélique. Il convient sans aucun doute de prendre en considération son diagnostic, tout en prenant garde à des débordements qui risqueraient d’empêcher une réflexion commune, si possible fraternelle, sur les tâches actuelles d’un christianisme authentique, vivant et fidèle. Le rappel des crises anciennes pour éclairer celles d’aujourd’hui n’est pas toujours le mieux à même de produire la paix nécessaire. Car peut se glisser sous les meilleures intentions la tentation de l’amalgame qui anathématise l’adversaire, réduit à ses traits les plus caricaturaux. Sans compter que ce qu’on glorifie en contraste n’a pas été indemne de déviations qui risquent aujourd’hui de se reproduire. « Rien n’est moins chrétien que de serrer sans fin dans ses bras le cadavre de la vieille chrétienté. » Sans doute, mais cette charge n’est pas nouvelle. Il est arrivé dans le passé que ceux qui dénonçaient feu la chrétienté se retrouvent avec un autre épouvantail dans les bras… agrémenté des moustaches de Joseph Staline. Pardon pour cette impertinence, qui ne fait que répondre à d’autres pas plus aimables. Mais il conviendrait de tenter une véritable discussion, en mettant tous les enjeux sur la table et en renonçant à disqualifier par avance les autres partenaires. 

  1. Erwan Le Morhedec, Identitaire. Le mauvais génie du christianisme, Éditions du Cerf, 304 p., 19 €.