Des canonisations populaires - France Catholique
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Pâques. La foi des convertis
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Des canonisations populaires

Pendant bien longtemps, la piété populaire a porté sur les autels des défunts auréolés sans doute un peu trop vite, hors de tout circuit hiérarchique. Rome y mit bon ordre. Sauf dans l’Ouest de la France…
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Tombe de « sainte Pataude », Perrine Dugué, près de Laval (Mayenne).

Tombe de « sainte Pataude », Perrine Dugué, près de Laval (Mayenne).

© llann wé / CC by-sa

Jusqu’au IVe siècle, on était saint dès lors qu’on était réputé avoir donné sa vie pour le Christ. Avec la paix de l’Église, en 313, ce culte des saints devient beaucoup plus encadré par la hiérarchie catholique, même si la réalité fut plus complexe.

Certes, une remise en ordre était indispensable. En Afrique du Nord, travaillée par schismes et hérésies, il fallait veiller à ce qu’aucun culte ne soit rendu à des martyrs non catholiques. Saint Martin, à Tours, en 371, fut confronté au même problème : ses ouailles honoraient un prétendu martyr qui lui inspirait une profonde méfiance. Il exorcisa sa tombe et assura en avoir chassé des démons. Saint Martin avait surtout eu une juste intuition : le prétendu martyr était un « bandit », c’est-à-dire un combattant de l’insurrection bagaude contre Rome qui a secoué la Gaule. Il ne faut pas confondre sainteté et patriotisme…

Santo subito ?

Reste que les populations continueront à canoniser qui leur plaît : Vox populi vox Dei, « la voix du peuple est celle de Dieu ». Mais crier « santo subito ! » sous le coup de l’émotion ne suffit pas à garantir la sainteté. Le seul remède aux canonisations précipitées réside dans le temps : si les miracles attendus d’un saint ne se produisent pas, le culte disparaît.

Au Xe siècle, Rome met en place des procédures de canonisation, se réservant le droit de faire les saints. Une enquête de non-culte s’assure alors de l’absence de dévotion anarchique autour d’une tombe ; dans le cas contraire, reconnaître la sainteté du défunt devient impossible. Mesure dissuasive ?

Pas dans l’Ouest, où le vieux fond celte et sa conception singulière de la sainteté, s’en soucie peu. La majorité des 7 777 saints bretons ne figure pas au martyrologe, mais cela n’a jamais empêché de les prier. Voilà comment vont proliférer des cultes parallèles autour de ce que les spécialistes nomment « tombes de mémoire ou de dévotion ».

La pratique est localisée : Bretagne et Mayenne. Elle prend divers visages : un culte urbain, dans les cimetières, sur la tombe d’un religieux ou laïc, homme ou femme, à la vie exemplaire, réputé mort en odeur de sainteté. Puisque jusqu’à Vatican II, la notion de sainteté est associée à l’exceptionnel, nul n’entame une procédure canonique s’agissant de ces saints « ordinaires ».

La piété populaire prend le relais ; le voisinage vient sur la tombe demander grâces et guérisons, souvent obtenues, de sorte que le culte se perpétue, accompagné d’ex-voto déposés en remerciement. Au grand dam du clergé, contraint, souvent, de supporter des pratiques entrées dans les mœurs locales.

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