DEFIS POUR LA CARITAS - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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DEFIS POUR LA CARITAS

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Les agents immobiliers qui ne comprendraient pas l’importance capitale de la « situation, situation, situation » 1 ne feraient pas long feu. Le rappel de choses aussi élémentaires est inutile. Conserver l’« identité, identité, identité », au cœur des organisations caritatives catholiques, semble requérir une vigilance accrue, quoique les raisons pour lesquelles il en va ainsi demanderaient de longues explications.

L’identité fut le thème récurrent du grand rassemblement fin mai de Caritas Internationalis (ndt : 19e Assemblée générale, du 22 au 27 mai, sous la présidence du cardinal hondurien Oscar Maradiaga, reconduit dans ses fonctions), consécutive à l’annonce du refus d’un nouveau mandat pour son secrétaire général (ndt : le Français Michel Roy a été élu en remplacement de la Britannique Lesley Anne-Knight, qui n’avait pas obtenu l’assentiment du Vatican). Un commentateur français éminent, Jean-Marie Guénois, (ndt : « Le Figaro ») a qualifié de révolutionnaires les tentatives de réforme du réseau de la Caritas par le Pape Benoît XVI – non pas au sens d’une doctrine nouvelle mais d’une reprise de contrôle sur un pan entier de l’activité centrale de l’Eglise à travers des agences qui ont dérivé loin de leur route.

Le cardinal guinéen Robert Sarah (président du Conseil pontifical Cor Unum), dans une allocution remarquable devant l’assemblée de la Caritas, a souligné le besoin d’expressions authentiques de la charité Catholique, spécialement de nos jours, ne serait-ce qu’en raison de la multiplication du nombre des intervenants dans le secteur. La plupart des activités des ONG, a-t-il rappelé, sont l’expression de la culture qui prévaut en Occident, aujourd’hui caractérisée par une indifférence croissante à l’égard du religieux et par la sécularisation – « un humanisme sans Dieu. » En dépit de ses énormes progrès matériels, scientifiques et technologiques, l’Occident, affirma-t-il, souffre d’une « grave régression morale. »

Les agences catholiques occidentales devraient être d’autant plus soucieuses de rester solidaires de l’Eglise dans les autres parties du monde précisément pour faire face à cette régression morale – un obstacle considérable au développement humain partout, et peut-être particulièrement dans les terres « développées », mais plus mornes, de l’Occident contemporain.

Or, lors de mes fréquents déplacements en Afrique pour le compte de Catholic Relief Services (ndt : C.R.S., la Caritas américaine), par exemple, il n’était pas rare d’entendre les gens sur place se référer à « l’agence catholique non-catholique. » (je vous laisse imaginer ce qu’ils disaient de la CAFOD –ndt : la Caritas anglaise).

Les évêques africains me confiaient (après mes conférences sur le SIDA) combien ils étaient surpris d’entendre un jeune employé occidental de C.R.S. tenir le discours catholique traditionnel, alors que mes supérieurs à Baltimore me disaient que je changerai d’avis sur l’approche de la prévention du SIDA – en d’autres termes que je commencerai à m’opposer aux enseignements de l’Eglise – lorsque j’aurai passé plus de temps en Afrique.

La nouvelle devise de la Caritas : « Une Seule Famille Humaine – Zéro Pauvreté », – plate, insipide, quintessence du sécularisme des ONG -, reprise en titre de son plan stratégique pour les quatre prochaines années, écarte toute idée de rapide et profonde réforme. « Les affaires continuent » (« Business as usual »), on peut le supposer, ce sera encore le cas pour quelque temps pour beaucoup d’agences de la Caritas.

Pour qu’une réforme puisse effectivement intervenir, je voudrais suggérer brièvement qu’il y a deux problèmes concrets à traiter. Premièrement, les organisations caritatives devraient revoir la part de leur financement qui relève des fonds publics. Leurs équipes passent un temps considérable à mettre en œuvre les programmes d’aide gouvernementaux, ce qui naturellement enlève autant de temps et d’énergie pour se consacrer à d’autres besoins ou à des initiatives qui en valent la peine.

Même si la collaboration accordée à des projets donnés n’implique pas un niveau intolérable de participation matérielle à des pratiques moralement répréhensibles, la dépendance à l’égard des financements publics tend facilement à aligner quasiment les priorités de l’organisation caritative sur celles de l’Etat. En d’autres termes, l’organisation caritative catholique doit se garder de devenir un simple sous-contractant d’un « donateur » dont la vision anthropologique, et encore moins théologique, est fondamentalement différente.

La participation habituelle à des programmes d’aide sous l’égide des gouvernements semble de toute façon moins attractive, dans la plupart des cas, si l’on considère leurs échecs répétés à fournir même le « développement » matériel. Renoncer à certains projets sur financement public ne signifie pas que d’autres occasions ne vont pas se présenter. Des donateurs privés, riches, hautement motivés, qui hésitent pour le moment à contribuer à certaines organisations caritatives catholiques, feraient, et font, des dons substantiels à des causes catholiques bien identifiées. Vue sous ce jour, la conviction exprimée par le cardinal Sarah, que de grandes choses sont possibles si seulement la Caritas se fondait sur l’encyclique de Benoît XVI sur la Charité, Deus Caritas Est, et en faisait son atout-maître, résonne juste dans une perspective à la fois spirituelle et pratique.

La seconde, et sans doute la plus importante, chose que les organisations caritatives devraient revoir concerne leur approche du recrutement et de la promotion de leurs employés. Beaucoup d’entre eux sont peu familiers ou bien peu en accord avec les enseignements du Magistère. Ceci ne requiert peut-être guère d’explications sauf à répéter le dicton « La politique c’est l’homme. » Quand ceux qui sont en charge de la programmation pour un pays ou une région donnée ne sont que peu ou prou catholiques, leurs priorités tendent à tourner autour de celles du gouvernement et de la « communauté » des ONG, notamment si le « chiffre » est ce qui vous fera progresser au sein de l’organisation.

Si une organisation préfère s’occuper de « changement climatique » (à moins qu’il s’agisse de « justice climatique » ?) plutôt que de promouvoir de façon dynamique les sujets que Benoît XVI a depuis longtemps appelé « non négociables », comment attirera-t-elle la prochaine génération de dirigeants dotés du cœur et de l’intelligence nécessaires pour mener à bien les réformes indispensables ? Les diplômés sortis d’universités d’excellence et les cadres des agences séculières d’aide ont coutume de considérer leurs employeurs potentiels dans le secteur (CRS, Banque Mondiale, Croix Rouge, etc.) comme interchangeables. Effectuer des recrutements à partir de tels viviers, comme c’est l’usage aujourd’hui, semble être une partie du problème.

Traiter ces sujets est sans doute une grosse affaire – un programme véritablement pour le long terme. Je pense toutefois que s’ils ne sont pas traités, de manière explicite, par chacune des agences de la Caritas, la vision originale et lumineuse de la charité développée par Benoît XVI restera lettre morte dans les milieux catholiques de l’aide. Ce serait dommage – et une lourde perte pour les peuples à travers le monde.

Les aspects « non-négociables » peuvent constituer des sources de conflit entre les catholiques et le reste de la « communauté du développement », mais ils sont rien moins qu’indispensables à tout développement authentiquement humain. Les organisations caritatives catholiques doivent être dirigées par des gens qui en sont réellement convaincus.

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/challenges-for-the-caritas-network.html

  1. Ndt, Difficile à traduire car c’est une blague de commercial américain pour rappeler que la chose la plus importante quand on cherche à acheter une maison, c’est de savoir où la maison est située (sa situation). Pour ça, on dit, « location, location, location. »