Définir une religion - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Définir une religion

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Les Pères Fondateurs de l’Amérique ont beaucoup réfléchi aux relations appropriées entre l’Etat et les Eglises. Ils l’ont fait quand ils ont introduit dans la Constitution des Etats-Unis la clause de « pas de questionnement sur la religion ». Ils ont réitéré quelques années plus tard en ébauchant le Premier Amendement avec ses deux clauses religieuses sur « le libre exercice » et « le non établissement ». Jefferson et Madison l’avaient fait précédemment en rédigeant les statuts de liberté religieuse en Virginie.

Si vous aviez demandé aux Pères Fondateurs une définition de la religion, ils vous auraient probablement donné des exemples : le christianisme est une religion, ou plutôt les différentes branches du christianisme sont autant de religions. L’islam est une religion, tout comme le judaïsme, le bouddhisme et l’hindouisme. Et puis encore les religions païennes de la Grèce et de la Rome Antiques, les nombreuses religions trouvées chez les Amérindiens, et bien d’autres religions de par le monde selon les époques.

Ils auraient pu ne pas être d’accord entre eux si on leur avait demandé : « le déisme est-il une religion ? » Certains auraient répondu non, argumentant que bien que possédant un système de croyances et même une morale, le déisme manque d’un culte, et le culte est un élément indispensable d’une religion. De plus, auraient pu ajouter les objecteurs, les déistes du monde ne constituent pas une communauté sacrée, alors que toutes les religions authentiques sont ressenties par leurs membres comme constituant une communauté sacrée.

D’un autre côté, certains des Pères Fondateurs auraient répondu oui à la question de savoir si le déisme est une religion. Certains, par exemple Jefferson, auraient même pu aller jusqu’à dire que le déisme est la vraie religion du monde. Et à l’objection que les déistes n’ont pas de culte, ils auraient pu répondre que si, les déistes adorent Dieu, non pas en gaspillant une heure ou deux à l’église chaque dimanche matin, mais en promouvant le bonheur des créatures de Dieu.

Quant à l’objection que les déistes ne constituent pas une communauté sacrée, un déiste pourrait répondre : « nous sommes une communauté sacrée, bien sûr pas sur le modèle structuré et hiérarchique, mais une sorte d’Eglise invisible – ce qui convient à des hommes et des femmes libres. »

Maintenant, imaginons que les Pères Fondateurs aient eu la capacité de voir par avance le vingtième siècle. Qu’auraient-ils dit du parti communiste et du parti nazi ? Auraient-ils été des religions à leurs yeux ? Après tout, ils procuraient à leurs fidèles certaines des importantes satisfactions psychologiques qu’une religion traditionnelle procure aux personnes conventionnellement religieuses. Si vous étiez communiste lors de l’âge d’or du communisme, vous aviez le sentiment que votre vie avait du sens.

Vous, comme simple individu, flocon de poussière humaine flottant dans le vaste univers, pouviez bien n’avoir aucune importance. Mais qui pouvait douter de l’importance du parti communiste ? Et vous, en en faisant partie, deveniez important – tout comme le doigt d’une personne, insignifiant tout seul par lui-même, est important et significatif comme membre d’un corps vivant.

Bien plus, comme membre du parti communiste, il vous était donné un code moral. Il vous disait comment mener votre vie. Il vous disait ce qui était juste ou injuste. Il est juste de se battre contre le capitalisme et pour aider les centaines de millions de victimes du capitalisme, chez soi et à l’étranger. Il est injuste de collaborer avec la police pour défendre le régime impérialo-capitaliste ou de donner son aval à des journalistes qui défendent l’idéologie capitaliste et ses partis politiques pseudo-démocratiques. Il est juste de violer les règles de la morale conventionnelle quand ces violations font avancer la noble cause communiste, qui est la cause de l’humanité.

Et si vous étiez un nazi allemand pendant l’âge d’or du nazisme, vous étiez capable d’obtenir le même genre de satisfactions quasi religieuses – le sentiment que votre existence a du sens, plus un code éthique même si ce code éthique se trouve être passablement différent du code communiste.

Avons-nous de nos jours un phénomène similaire aux Etats-Unis – je veux dire des mouvements idéologiques complètement sécularisés qui fonctionnent très semblablement à une religion ? Oui, je le pense. Pour de nombreuses femmes, le féminisme est devenu une quasi religion, et pour de nombreux homosexuels, le mouvement homosexualiste a été une quasi religion.

Je crois que le féminisme comme religion est sur le déclin, même si pas encore mort ; il a connu son heure de gloire dans les années 70 et 80. Mais le mouvement LGBT continue de se renforcer. Je pense qu’il n’a pas encore atteint son apogée.

Plus généralement, nous avons ce qu’il est convenu d’appeler l’humanisme séculier : une vision globale du monde qui inclut comme sous-sections les deux mouvements mentionnés plus haut. Ce mouvement plus large est caractérisé 1) par l’athéisme ou le quasi athéisme, 2) l’incrédulité quant à la vie après la mort, 3) le relativisme moral, 4) une profonde croyance que les individus devraient être libres de faire ce qui leur plaît, pourvu qu’ils ne blessent pas les autres d’une façon tangible et indéniable, 5) la foi en la liberté sexuelle, 6) la confiance que l’Etat – convenablement pourvu en personnel, bien organisé et abondamment financé – peut garantir un haut degré de bonheur humain.

Il est clair que nos Pères Fondateurs n’ont pas voulu que l’Etat promeuve, par exemple, les vues de l’Eglise Episcopalienne au détriment des vues des Eglises Baptiste ou Presbytérienne. Mais auraient-ils été d’accord avec la promotion de l’humanisme séculier au détriment du christianisme à l’ancienne ? Pourtant c’est exactement ce qui se passe quand l’Etat promeut les valeurs de l’humanisme séculier au détriment des valeurs du christianisme traditionnel – par exemple quand un enseignant du public de l’établissement A est libre de dire à ses élèves que le mariage homosexuel est une bonne chose tandis qu’un enseignant de l’établissement B se voit interdire de dire à ses élèves que l’avortement est mal.

On m’a dit que l’humanisme séculier est une philosophie et non une religion, et que l’Etat, qui n’a pas le droit de promouvoir une religion, a toute latitude de promouvoir une philosophie s’il la juge vraie. Je réponds que c’est une distinction faite sans réelle différence – et que la confusion sur ce point cause une grand dommage à notre liberté religieuse protégée par la constitution.


David Carlin est professeur de sociologie et de philosophie au Community College de Rhode Island.

Illustration : Thomas Jefferson, un philosophe, un patriote et un ami, par Tadeusz Kosciuszko, vers 1789 [Bibliothèque du Congrès]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/12/15/defining-religion/