Vendredi et samedi prochains, doit se tenir à la Sorbonne un colloque dont la thématique ne peut que susciter la plus grande attention : « Après la déconstruction, reconstruire les sciences et la culture. » Il m’est arrivé un certain nombre de fois dans cette chronique d’évoquer les ravages de ce qu’on appelle la culture woke, qui n’est jamais qu’un des aspects de la déconstruction. La déconstruction ? Un mot qui rend songeur, par son aspect savant, intimidant et qui se réclame d’un certain nombre de penseurs au firmament de l’intelligentsia, tels Michel Foucault ou Jacques Derrida. Pour avoir connu un peu le premier, je ne suis pas sûr qu’il approuverait aujourd’hui tout ce qu’on lui fait supporter. Mais le caractère dominant dans l’université française de tous les courants qui se réclament de la même inspiration déconstructrice ne laisse pas d’impressionner.
Certes, il importe que la liberté de pensée et de recherche soit pleinement garantie pour toutes les disciplines, et il serait dangereux que l’État exerce une sorte de police de la pensée. Mais comme l’expliquent les organisateurs du colloque de la Sorbonne, la contrainte actuelle ne vient pas de l’État mais de la dictature de groupes idéologiques. C’est à tel point qu’ils peuvent déclarer à Eugénie Bastié du Figaro : « La préparation épique de ce colloque confirme nos craintes quant aux menaces pesant sur la liberté académique : plusieurs collègues ont renoncé à regret à participer, de crainte de voir leur carrière ou celle de leur conjoint brisée. »
Voilà qui fait frémir, et lorsque l’on sait ce qu’a pu endurer un enseignant de Sciences Po Grenoble en fait d’ostracisation morale et finalement de mise à l’écart, on ne peut que s’interroger sur ce mal qui se répand et répand sa fureur, pour parodier le fabuliste. Et l’université n’est sans doute pas le seul lieu à avoir été gagné par la fureur déconstructrice.