À l’heure où la société française dans son ensemble entre dans un processus de déconfinement, avec toutes les prudences requises, quelques publicistes ont lancé un mot d’ordre sur les réseaux sociaux, qui s’adresse aux chrétiens. « N’est-ce pas l’Église elle-même qui devrait se déconfiner ? » Notre Église serait-elle par trop renfermée sur elle-même ? Il y a bien sûr une pointe polémique dans ce qui ressemble à une mise en demeure.
Mais après tout, le Seigneur lui-même s’est employé à secouer parfois rudement ceux qui l’écoutaient. Le pape François, pour sa part, ne se prive pas de rudoyer jusqu’à ses proches collaborateurs, lorsqu’il estime qu’ils s’éloignent des conseils évangéliques. De diverses façons, des actions prophétiques sont venues réveiller les chrétiens. Au XIXe siècle, le bienheureux Frédéric Ozanam lançait son fameux : « Passons aux barbares », qui demandait d’ailleurs une sérieuse herméneutique. Et Jean-Paul II, lors de son premier voyage chez nous, voulait aussi nous réveiller : « France, fille aînée de l’Église, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? »
Toutes les périodes ont connu, selon leur mode propre, des élans missionnaires qui comportaient pour préalable un ressourcement mystique. Le XVIe siècle de la Contre-réforme catholique, le XVIIe qu’un historien a pu appeler « le siècle des âmes ». Mais c’est vrai aussi de ce XIXe siècle religieux trop méconnu, où les missionnaires français s’engagèrent pour une évangélisation de l’Afrique et de l’Asie.
Par contraste, notre XXIe siècle se présente à nous sous les aspects très particuliers d’une sécularisation des anciennes terres de chrétienté. La tâche est particulièrement rude pour ceux qui ont le souci de communiquer la Bonne Nouvelle. Ce n’est pas en nous refermant sur nous-mêmes que nous ferons rayonner l’Évangile auprès de nos contemporains. Le mot d’ordre de déconfinement se doit alors d’être soigneusement analysé, dans la mesure où il a quelque chose de pertinent.
Comment aller aux périphéries ?
Il ne peut signifier l’abandon de nos communautés paroissiales, car l’eucharistie se vit en commun, et le dogme lui-même doit s’entendre dans ses résonances sociales. Les communautés se doivent d’être impliquées dans les réalités humaines vécues de proche en proche. Une part de la déchristianisation actuelle s’explique par l’abandon d’une religion populaire au profit d’une appartenance élitiste militante. Certaines propositions présentes peuvent paraître inspirées d’une volonté d’appropriation néo-cléricale, qui pourrait tourner aux échanges internes de cercles progressistes de type bourgeois-bohèmes.
C’est pourquoi, le pape François, lorsqu’il nous presse d’aller sur les périphéries nous rappelle en même temps les vertus d’un christianisme populaire. Oui au déconfinement, mais un déconfinement qui permet vraiment à la grâce du Salut de se répandre au plus large de nos sociétés !