« Vous êtes un haïsseur, vous êtes un haïsseur, vous êtes un haïsseur très, très haineux ! »
Voilà quel sera mon pastiche plein de haine des critiques que les « conservateurs » reçoivent quand ils touchent à la vanité des « libéraux ». Pas tout le temps bien sûr ; parfois il y en a des pages. En règle générale, il faut les ignorer. Ils veulent seulement que vous vous taisiez et disparaissiez, et la meilleure réponse est de continuer à parler.
L’humour a du bon quand ils y vont un peu fort : cela les tarabuste comme ferait de l’eau bénite. Je viens juste de lire un long article de James Martin, SJ, le désinvolte théologien amateur du magazine America, intitulé « Théologie et haine ». Il est paniqué parce que sur Twitter, Ross Douthat a traité son ami Antonio Sparado, SJ, de « sophiste ». Ce qui ne me fait ni chaud ni froid. Ce que Douthat a vraiment dit, c’est « est-ce que sparado est le mot italien pour sophiste ? »
Bien mieux, il a traité le directeur de La Civilta Cattolica (Sparado, donc) de « méchant jésuite aux moustaches de dessin animé », ce qui m’a fait pouffer convulsivement. Laissez-moi de nouveau avouer (créature haineuse que je suis) que cela m’a semblé bien trouvé. On pourrait dire de bien plus méchantes choses sur Sparado.
Ils sont bizarres, ces libéraux. Ils sautent sur le ring avec un coup de poing américain et ensuite ils se montrent bouleversés parce que « quelqu’un m’a boxé ! »
Et pour ce pauvre Massimo Faggioli, le « très respecté historien de l’Eglise » (par sa propre faction perverse), je crois comprendre que Douthat n’avait même pas mentionné le gentleman au cours d’aucune bataille de polochons que ce soit sur Twitter. Mais peu importe, cela lui va comme un gant, aussi Martin l’accuse d’hérésie.
« C’est une accusation extrêmement grave et dans ce cas infondée » a éructé Martin dans le même journal, pour parer l’attaque. Mais bien qu’ayant encore eu la chance de pouvoir faire les foins à la fourche, je dois reconnaître que l’Église Catholique n’a plus brûlé personne sur le bûcher depuis bien des années.
C’est peut-être pour cela que les choses tournent si mal. Selon ce que je sais de façon à peu près certaine, c’est que l’hérésie est prêchée avec désinvolture en chaire à peu près chaque dimanche dans une église proche de chez vous.
La tempête dans un verre d’eau a commencé, la plupart des lecteurs doivent le savoir, avec un article de Douthat dans le New York Times, intitulé « le complot pour changer le catholicisme ». Il évoquait la stratégie du pape lui-même dans le récent synode sur la famille, pour faire progresser le projet Kasper d’autoriser la communion aux divorcés remariés.
« L’enseignement de l’Église sur l’indissolubilité du mariage a déjà été mis à mal et mené presque au point de rupture par la nouvelle procédure bâclée de reconnaissance de nullité instaurée par le pape ; aller jusqu’à la communion sans reconnaissance de nullité ne ferait que l’enterrer » fait remarquer Douthat.
Ceci, si j’en crois ma boîte mail, est la vision de presque tous les « conservateurs » de la chrétienté, et la seule surprise est que cela soit publié par la Grey Lady of Gomorrah. Mais après tout, Ross Douthat est leur gage aux conservateurs, une position dont je me rappelle les avanies en raison de mon propre parcours comme gage au conservatisme dans un journal canadien du courant dominant – une position qui rappelle celle du général Custer.
L’article de Douthat s’est attiré une « lettre ouverte » d’une liste d’opposants universitaires catholiques progressistes et s’auto-admirant, lettre qui ressemble beaucoup à une pétition au New York Times pour se débarrasser du gars ; il était blâmé, entre autres crimes, pour ne pas avoir de doctorat de théologie.
La phrase la plus tordante était : « accuser d’autres membres de l’Église Catholique d’hérésie, parfois subtilement, parfois ouvertement, est une grave responsabilité qui peut avoir de graves conséquences pour ceux qui sont ainsi accusés. » Cette accusation sournoise de Maccarthysme était si manifestement maccarthyste elle-même.
Car la vérité est qu’il n’y a aucune conséquence du tout pour ceux qui sont accusés d’hérésie de nos jours, ni pour ceux qui profèrent une hérésie, comme les trente-cinq signataires de la lettre devraient parfaitement le savoir. Des deux côtés, ça peut chauffer entre la droite et la gauche sur les places publiques, mais à Rome, pour le moment, défendre la doctrine de l’Église pourrait sembler plus susceptible de compromettre votre gagne-pain. Dans le monde universitaire américain, c’est quasiment suicidaire.
Ma propre expérience, non seulement comme journaliste conservateur mais également comme « conservateur social », et surtout comme catholique pratiquant, n’est pas de celles qu’on se remémore avec plaisir. Des centaines de lettres de plaintes de ce genre ont été déposées contre moi par des gauchistes, qui déposaient des plaintes officielles qui nous ont harcelés, mes chefs et moi. Nous avons souffert des années de maux de tête quotidiens à répondre dans les formes légales à des accusations dénuées de fondement. Finalement, je me suis vu offrir une généreuse prime de départ si je voulais bien démissionner.
Tout cela pour dire que je connais bien la donne depuis l’intérieur : les tactiques des progressistes pour museler les voix discordantes. J’étais pourtant soutenu par le fait de savoir que je parlais souvent pour les sans-voix : les nombreux lecteurs qui me remerciaient d’exprimer les vérités de base qui ont été frappées d’anathème par les gardiens de notre meilleur des mondes.
En outre, vous ne pouvez pas savoir si vous avez atteint la cible tant que ces gardiens ne se mettent pas à hurler. Et il y a une douce satisfaction à regarder le nid s’effondrer, en dépit des piqûres de frelons.
Comme le pape émérite l’a confié à au moins un visiteur : « quand ce que je dis n’est pas critiqué, je dois examiner ma conscience. »
Et voici la farce : ces néo-ultramontains disant : « comment osez-vous critiquer le pape ! » étaient si adonnés à critiquer ses prédécesseurs les plus orthodoxes.
Pendant ce temps, Germaine Green propose le traitement dans les médias internationaux. Elle attire l’attention sur le fait qu’une personne transsexuelle n’est pas vraiment une femme. Elle l’a dit poliment, mais également fermement, et j’étais fortement amusé de voir un entretien avec elle sur la BBC, où le journaliste n’a fait à peu près que reprendre la question « comment osez-vous ? » – environ une douzaine de fois.
Parmi les féministes radicales, j’ai eu pendant longtemps un faible pour Mme Greer. Elle est unique par son intelligence, son élégant style anglais et la véritable indépendance de sa pensée. C’était à l’époque où les chiennes de garde la désavouaient.
Selon mon expérience, vous pouvez débuter une émeute en disant quelque chose de nouveau ou d’étrange. Si vous voulez jeter l’édifice à bas, il vous suffit de dire quelque chose que tout le monde sait secrètement être vrai.
Toute ma gratitude à Douthat et à Greer pour l’avoir fait.
David Warren est un ancien rédacteur du magazine Idler et un chroniqueur de Ottawa Citizen. I a une profonde expérience du Proche-Orient et de l’Extrême-Orient.
Illustration : Ross Douthat
Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/10/30/having-a-riot/