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Décivilisation ?

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Saint Thomas d’Aquin pourrait nous conduire sur la voie pour sortir de notre univers désintégré.

Saint Thomas d’Aquin pourrait nous conduire sur la voie pour sortir de notre univers désintégré.

© Catherine Leblanc / Godong

En parlant de « processus de décivilisation » en conseil des ministres, le président de la République s’est attiré à la fois approbations et blâmes. L’extrême gauche l’a accusé d’employer une formule réactionnaire, sortie de la plume d’un auteur sulfureux, Renaud Camus. Ce qui est sûr, c’est qu’Emmanuel Macron a voulu frapper les esprits, en mettant en cause des phénomènes qui ne cessent de s’accumuler, révélant les pathologies de notre société.

Il n’y a pas de jour où n’éclate un scandale de violence, avec la déstabilisation du système scolaire, le harcèlement des plus jeunes, le développement de la pornographie, l’usage de plus en plus généralisé des drogues. On est bien obligé de s’interroger sur cette amplification des facteurs de dissociation d’un pays. Et le mot de décivilisation ne paraît nullement exagéré pour désigner ce mal redoutable.

Un mot qu’il s’agit de comprendre dans toute son épaisseur. De ce point de vue, on a fait appel, à juste raison, à ce sociologue supérieur qu’était Norbert Elias, analyste de ce qu’il appelait « la civilisation des mœurs ». Sans doute, y a-t-il désaccord entre historiens sur certaines séquences énoncées par Elias, mais il ne saurait y avoir controverse sur l’importance de la notion de mœurs dans l’histoire des hommes.

D’ailleurs, toute l’historiographie contemporaine s’est attachée à découvrir les modes de vie et les mentalités qui caractérisent les diverses époques. Ce fut notamment le cas de l’école des Annales.

La fin d’un art de vivre ?

Il est notable aussi que ce regard ciblé sur les mœurs est toujours associé à la compréhension du temps présent. On ne comprend mieux son époque qu’en raison des rapprochements et des écarts qui caractérisent l’évolution des sociétés. Cela évite une trop grande idéalisation du passé, mais oblige aussi à examiner la complexité des relations sociales.

Et en tout état de cause, le recours au terme de civilisation constitue une invitation à évaluer un certain degré d’art de vivre, qui se traduit dans les aménités de la famille, le raffinement des sentiments, l’épanouissement des chefs-d’œuvre de l’art, mais encore la spiritualité élevée à la hauteur de la mystique. Et ce n’est pas seulement par la force contraignante des lois que l’on parvient à ces moments privilégiés que l’on peut tout de même distinguer dans le passé.

Saint Thomas modèle d’équilibre

Gustave Thibon a toujours fait l’éloge d’une société où il y avait des mœurs, c’est-à-dire des attitudes solidement ancrées au fil des existences et des habitus sociaux, par rapport à un univers qui ne trouverait ses règles que dans l’arsenal des lois susceptibles d’encadrer l’ensemble de toutes les structures. Mais les mœurs ne se concevaient pas non plus sans un sens aigu de l’honnêteté morale.

La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si le renforcement d’un tel arsenal juridique pourrait nous sortir de notre univers désintégré. Comment agir sur les mœurs, qui impliquent une intériorisation qui ne s’impose pas de l’extérieur ? C’est tout le secret d’une civilisation. Ce numéro consacré à saint Thomas d’Aquin pourrait nous conduire sur la voie, en nous inspirant de ce modèle privilégié d’équilibre entre l’humanisme, la raison, la foi et la sainteté.