Débat sur la doctrine sociale de l'Église Catholique. - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Débat sur la doctrine sociale de l’Église Catholique.

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Existe-t-il un principe tel que la Doctrine Sociale de l’Église Catholique? Des penseurs influents l’ont pensé au cours du siècle dernier. G.K. Chesterton et autres ont émis un ensemble de principes sociaux vaguement intitulés « distributisme », et des catholiques de gauche ou de droite, Américains ou autres, ont tenté de trouver dans l’enseignement de l’Église une sorte de « troisième voie » entre Socialisme et Capitalisme. Des commentaires sur la signification de telles idées ont occupé un nombre considérable de travaux académiques. En général, de telles tentatives supposent que la doctrine sociale de l’Église peut donner au monde actuel une orientation dans des domaines tels que l’économie et les questions de politique sociale.

Pour d’autres, cependant, y-compris sur le site « The Catholic Thing », cette doctrine sociale de l’Église n’est qu’un mythe. Vue ainsi, la doctrine sociale de l’Église, bien que pouvant offrir des « vues remarquables » ou inciter à d’importantes réflexions sur la personne humaine et la société, n’est pas infaillible, ni même porteuse d’une autorité particulière. Les Papes ne sont pas des économistes, et le Magistère n’est pas (Dieu merci, osons le dire) l’École de Commerce de Stanford. Ainsi, la pensée sociale catholique a évolué dans son apréciation de sujets tels que la torture, l’esclavage, la liberté de religion et les pratiques usuraires commerciales, et elle peut bien changer encore à l’avenir.

À sa manière habituelle passionnée, John Zmirak, dans un récent article, a publié son argumentation : selon lui, les déclarations du Pape en matière économique et politique n’ont pas la même valeur que l’enseignement relatif aux sacrements, par exemple. Les catholiques ne devraient pas se sentir obligés de croire que le « Magistère social » est chargé d’une égale autorité, ni, dit-il, que les Papes l’imposent.
Il vise ces responsables de l’Église penchant à gauche ou ces intellectuels catholiques qui trouvent dans le Catholicisme des justifications au système d’État-Nounou moderne.

Anthony Esolen, qui collabore sur ce site, se range cependant nettement dans l’autre camp, et, dans son dernier ouvrage « Reclaiming Catholic Social Teaching » [Réforme de la doctrine sociale de l’Église catholique], publie un plaidoyer vigoureux. La vérité dans le catholicisme est d’un seul tenant, et si l’Église a un point de vue correct en ce qui concerne la personne humaine ou l’Eucharistie, sa vérité doit être la même sur les questions sociales et économiques. En fait il suit la ligne tracée par Léon XIII dont Zmirak pense qu’elle a été dévoyée — fons et origo [source et origine] de ce machin qu’on appelle Doctrine Sociale de l’Église Catholique.

Pour Esolen, les Encycliques de Léon XIII en établissent les principes de base, bien que la précédant de longue date. Ces principes ne reposent pas sur des idées politiques mais mettent clairement en avant les vues du catholicisme eur la nature de l’homme : « Léon XIII n’a jamais supposé qu’on puisse concevoir une doctrine sociale sans comprendre au préalable ce qu’est la société, ce qui implique que nous comprenions ce que sont les êtres hhumains, et pourquoi ils existent — dans quel dessein Dieu les a créés, homme et femme, à Son image, à Sa ressemblance.»

Si nous sommes faits ainsi, il doit y avoir des conséquences politiques et sociales. Dans les chapitres suivants, Esolen fait apparaître les implications radicales des assertions théologiques et métaphysiques qu’emploie Léon XIII pour décrire notre condition. Si nous sommes faits à l’image et à la ressemblance de Dieu, alors notre futur est avec Lui. Mais en raison de notre chute, nous nous dévoyons encore plus quand la société où nous vivons exalte l’intérêt, le plaisir, la consommation, plus haut que la vertu; « Alors, pour atteindre le bien le plus élevé en participant à la vie en société — la perfection par la vertu — nous devons nous soumettre à des lois édictées contre la satisfaction de nos envies.»

Une telle proposition, notons-le, n’a rien d’étrange. Un ancien Maire de New York était célèbre pour sa tentative d’interdiction de vente de boissons sucrées en grandes bouteilles afin de bloquer les tentations de certains citoyens, et il existe dans tout le pays des lois anti-tabac. En principe, Esolen semblerait favorable à ce genre de législation, Zmirak y serait hostile, bien que, pour Esolen, elle ne concerne guère notre nature véritable; le même Maire, par exemple, est partisan de l’avortement.

En un sens, Esolen et Zmirak partagent bien des hypothèses et bien des soupçons. Tous deux croient que l’Évangile — non l’État — nous incite à nous consacrer à des œuvres charitables. Simplement, nous démettre de nos responsabilités de Chrétiens envers les pauvres n’est pas une solution honnête. De plus, tous deux auraient, à juste titre, des soupçons envers ceux qui prétendraient que la doctrine sociale de l’Église est analogue aux principes de l’État moderne pratiquant la redistribution. Tous deux sont persuadés que les hommes ont un droit sur le fruit de leur travail qui ne devrait pas être pris par des taxes confiscatoires.

Mais alors que Zmirak semble penser que certains de ces principes proviennent non de l’enseignement Catholique mais de principes économiques (peut-être éclairés par de brillants aspects de cet enseignement), Esolen pense que des propositions bien plus spécifiques peuvent découler de ces principes, et qu’elles ont une structure que Zmirak ne saisit pas.

À de nombreuses occasions Esolen soutient le système corporatiste, non seulement pour garantir la stabilité des salaires mais aussi pour promouvoir le sacré dans le monde du travail. Pour Zmirak, comme il le déclare ailleurs, c’est simplement un préjugé anti-bourgeois. Les corporations limitaient la production et l’offre aux consommateurs, qui devaient payer plus cher qu’autrement et à la première occasion les gens émigreraient d’un système économique pré-industriel — vers l’Amérique, par exemple — par millions comme peuvent en attester Zmirak, Esolen et moi-même (tous descendants d’immigrants).

Et pourtant… Esolen soutient vigoureusement que les hypothèses métaphysiques ont leur importance, et que le Catholicisme tient sur l’homme des vérités qu’il faut considérer dans notre organisation sociale. Si les corporations ne peuvent proposer des solutions en l’état actuel, d’autres formules le peuvent. L’ordre donné par le Christ au riche de vendre ses biens pour les pauvres est une directive individuelle. Mais pour Esolen on doit y voir une dimension sociale. L’économie a des principes généraux qui semblent valables. Mais ils peuvent recevoir des modifications et extensions d’une manière qui échappe, par exemple, aux lois de la pesanteur.

Avec l’avènement de S.S. François, ce débat va sans doute prendre une importance croissante.

8 janvier 2015.

Source : Debating Catholic Social Teaching

S.S. Léon XIII par Philip de Laszio, vers 1900.