Débat parlementaire du 19 novembre sur l'Euthanasie - France Catholique
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Débat parlementaire du 19 novembre sur l’Euthanasie

Le 2 novembre, journée traditionnellement consacrée au recueillement et au souvenir des défunts, on a annoncé la tenue d’un débat parlementaire le 19 novembre autour d’une nouvelle proposition de loi relative au droit de finir sa vie dans la dignité, à l’initiative du Parti socialiste. Une proportion notable de députés socialistes n’a cependant pas souhaité s’y associer. Mourir dans la dignité signifierait-t-il accéder à l’euthanasie légale ? Cette proposition de loi prévoit notamment « une aide active à mourir » pour des personnes en fin de vie en raison de souffrances psychiques. Or ce débat risque de nuire au développement des soins palliatifs qui sont coûteux et ont mis du temps à entrer dans les pratiques médicales.
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Les progrès médicaux ont permis un accroissement continu de l’espérance de vie dans notre pays : même si c’est l’espérance de vie en bonne santé qui croît le plus vite, la mort intervient de plus en plus à l’hôpital, parfois après de longues périodes de dépendance toujours éprouvantes.

Lorsqu’on les interroge, 70% des Français affirment désirer mourir à domicile. Or, aujour­d’hui 75% des personnes meurent à l’hôpital en raison, d’une part, des exigences techniques de la médecine moderne et, d’autre part, de l’éclatement ou de l’éparpillement des familles dont le rythme de vie est difficilement conciliable avec l’exigence de l’accompagnement de fin de vie des proches. La loi de 1999 sur le droit à l’accès aux soins palliatifs donne cependant droit à un congé d’accompagnement aux salariés du privé et aux fonctionnaires. Le congé d’accompagnement de fin de vie, remplacé en 2003 par le congé de solidarité familiale, permet à tout salarié de s’absenter pour assister un proche souffrant d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital. En février 2009, une loi a été votée accordant une allocation financière limitée à 3 semaines pour un proche bénéficiant de ce congé.

À ce stade de notre exposé, il faut définir les soins palliatifs sur lesquels courent beaucoup d’idées fausses. « Les soins palliatifs sont des soins actifs délivrés dans une approche globale de la personne atteinte d’une maladie grave, évolutive ou terminale. L’objectif des soins palliatifs est de soulager les douleurs physiques et les autres symptômes, mais aussi de prendre en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle. Les soins palliatifs et l’accompagnement sont interdisciplinaires. Ils s’adressent au malade en tant que personne, à sa famille et à ses proches, à domicile ou en institution. La formation et le soutien des soignants et des bénévoles font partie de cette démarche. » Extrait de la charte des soins palliatifs de la SFAP.*

On ne doit donc pas confondre les soins palliatifs avec l’abandon d’une personne atteinte de maladie incurable dans un mouroir, sans soutien et sans accompagnement moral.

La culture des soins palliatifs s’est progressivement développée depuis la première circulaire de 1986 sous l’impulsion notamment de la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs. Elle vient, d’une certaine façon, corriger les effets d’une médecine de plus en plus technique qui avait tendance à éclater les soins en fonction des spécialités au risque de perdre un regard global sur la personne.

Les soins palliatifs, ce ne sont pas seulement des services d’hospitalisation spécialisés, ce sont aussi des unités mobiles capables d’intervenir dans l’ensemble des services de l’hôpital, des lits identifiés en soins palliatifs situés au sein d’un service d’hospitalisation et, de plus en plus, des services au domicile des personnes.

Les soins palliatifs sont la bonne réponse pour faire reculer l’acharnement thérapeutique qui fait peur à tout le monde. Selon le vocabulaire médical, il y a acharnement thérapeutique quand des traitements sont devenus inutiles ou disproportionnés. La déontologie médicale recommande de les éviter, puisque le bénéfice qu’on en attend est nul ou sans rapport avec les inconvénients que de tels traitements provoquent.

Pour la plupart des Français, l’acharnement thérapeutique fait référence à de longues périodes pendant lesquelles une personne qui s’approche de la mort est hospitalisée dans une situation physique et morale inconfortable voire insupportable, parce que maintenue artificiellement en vie alors qu’elle ne guérira pas. On pense au cas du général Ariel Sharon par exemple.

Pourtant, on peut distinguer les cas où l’obstination thérapeutique continue de guérir et sauver de ceux où, effectivement, on n’a pas su « s’arrêter à temps » et laisser la personne mourir naturellement.

Aujourd’hui on pense parfois que la seule façon d’échapper à l’acharnement thérapeutique serait de consentir à l’euthanasie. La façon dont ces deux réalités sont trop souvent présentées les met effectivement en concurrence comme si elles constituaient une alternative. En réalité, ce sont les deux excès d’une médecine dite « de toute-puissance » qui, dans un cas, maintient artificiellement en vie et, dans l’autre, tue le patient. Sortir de ce malentendu implique de promouvoir une troisième voie, véritablement humaine, qui consiste à prendre soin d’une personne jusqu’au terme naturel de sa vie, sans administrer ni traitements inutiles, ni piqûre létale. C’est cette troisième voie qui a été proposée dans la loi fin de vie de 2005. On constate aujourd’hui qu’elle reste peu connue des Français, et qu’elle a besoin d’être mieux connue, expliquée et mise en œuvre.

Plusieurs lois sont en fait venues répondre aux besoins essentiels des personnes malades, dépendantes et en fin de vie. Chacune confirme, explicite et actualise les éléments anciens de déontologie médicale.
– Loi n°99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs. Article 1 « Toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement. »

– Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé . Article 11 : « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables. Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. »

– Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. Article 1 : « Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l’article L. 1110-10. »

Ces textes confirment essentiellement les droits d’accéder aux soins palliatifs, c’est-à-dire d’être soigné jusqu’au terme naturel de sa vie ; et droit de refuser des traitements, c’est-à-dire le droit d’exercer la liberté éclairée par les informations médicales.

Ce sont des lois exigeantes qui mobilisent aujourd’hui les soignants et toute la société. Le ministre de la Santé avait qualifié ce dispositif, au moment du vote unanime de la loi fin de vie, comme « une troisième voie française » refusant à la fois l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie.
Le plan de développement des soins palliatifs 2008-2012 a été mis en place. Avec un budget de  230 millions d’euros, il prévoie un doublement de 100 000 à 200 000 patients pris en charge en 4 ans. La mise en pratique de ces mesures représente un enjeu médical et social qui appelle la vigilance de tous, pour que le progrès technique ne se fasse pas au détriment d’un accompagnement pleinement respectueux de la dignité des personnes en fin de vie. Le rapport de la mission d’évaluation de la loi fin de vie de 2005 publié en 2008 souligne des inégalités géographiques encore fortes en France, qui ont conduit le ministère de la Santé à allouer en priorité des crédits aux régions les plus défavorisées.

A ce jour, on constate que les Français connaissent mal la loi, les droits des personnes en fin de vie ainsi que la réalité des soins palliatifs. Un sondage IPSOS de juin 2009 sur la représentation sociale des soins palliatifs indique que 89% des Français considèrent les soins palliatifs comme une réponse nécessaire à la souffrance des personnes gravement malades ou en fin de vie. Près de 9 français sur 10 estiment que les soins palliatifs permettent aux personnes gravement  malades de vivre le plus sereinement possible leur fin de vie, dans la dignité. Mais près de deux Français sur trois ont le sentiment d’être mal informés sur les soins palliatifs.
On observe aussi une pression continue depuis quelques années de groupes constitués pour demander la légalisation de l’euthanasie.

D’où vient le déséquilibre ?

– Les soins palliatifs font « peu de bruit » et mobilisent des milliers de soignants et de volontaires à l’accompagnement. « Le droit de vivre dans la dignité sollicite davantage nos responsabilités humaines et sociales que consentir à octroyer la mort au nom d’une conception pour le moins restrictive de l’idée de dignité » écrivait Emmanuel Hirsch – directeur de l’Espace éthique de l’AP-HP le 20 mars 2009 à la suite de l’affaire Sébire.

– L’euthanasie est mise en avant au travers de faits divers spectaculaires qui suscitent l’émotion et souvent la peur. Contrairement aux idées reçues, les situations que l’on a présentées comme exceptionnelles et nécessitant de déroger au principe de refus de l’euthanasie ont révélé la méconnaissance des propositions de la médecine de fin de vie et des droits des personnes concernées. A titre d’exemple, il a fallu la mort de Chantal Sébire pour que l’on découvre qu’elle avait refusé tous les traitements médicaux (y compris l’intervention chirurgicale) ainsi que les soins anti douleurs et, vers la fin de sa vie, le bénéfice des soins palliatifs.

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* Cf l’article de T. Derville la semaine dernière, « Faut pas pousser ! » qui décrivait « 10 confusions ».

**La SFAP, association loi 1901 reconnue d’utilité publique, est une société savante pluridisciplinaire associant professionnels (libéraux, hospitaliers, enseignants universitaires) et bénévoles. Son objectif est de favoriser le développement et l’accès aux soins palliatifs. La SFAP fédère plus de 5 000 soignants et près de 200 associations d’accompagnement rassemblant plus de 25 000 membres.