« De toutes nos forces » - ENTRETIEN AVEC NILS TAVERNIER - France Catholique
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« De toutes nos forces » – ENTRETIEN AVEC NILS TAVERNIER

Fils du cinéaste français Bertrand Tavernier (« La vie et rien d'autre, Capitaine Conan », « Quai d'Orsay », et bien d'autres), Nils Tavernier a débuté sa carrière comme comédien, en particulier dans les films de son père, de Diane Kurys, Claude Chabrol, Milos Forman. Après avoir réalisé plusieurs courts métrages, c’est en 2000 qu’il signe son premier film de cinéma, « Tout près des étoiles », un documentaire sur les danseurs de l’Opéra national de Paris. Il sera suivi, en 2001, d’un autre documentaire, co-signé avec son père Bertrand Tavernier, « Histoires de vies brisées : Les “double peine“ de Lyon ». Mais c’est à la télévision qu’il se fait vraiment connaître, avec deux extraordinaires documentaires : « L’odyssée de la vie », en 2006 — qui est un magnifique hymne à la vie dès la conception, en même temps qu’une bouleversante œuvre d’art — et « Le mystère des jumeaux », en 2009 — qui reconstitue avec de superbes images en 3D les premiers instants de la vie intra utero de jumeaux. Ces deux documentaires exceptionnels ont été diffusés en première partie de soirée sur France 2 et France 3. En 2005, il signe son premier film de fiction, « Aurore », avec Carole Bouquet, un joli conte, dans lequel la danse, une fois encore, tient une place importante. Quant à « Destins de familles », un documentaire sur le quotidien des familles d’enfants handicapés moteurs cérébraux, il a été diffusé sur France 5, en première partie de soirée, à l’occasion du Téléthon de 2011. Fasciné par le corps, sous toutes ses formes, Nils Tavernier est un cinéaste atypique, qui aborde toujours ses sujets avec une grande attention et une réelle bienveillance.
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Quelles ont été vos motivations profondes pour écrire cette histoire ?

J’avais fait un documentaire pour France 5, qui s’appelait « Destins de familles » et qui était le portrait de cinq familles dont l’enfant était suivi en neurologie à l’hôpital Necker. J’avais été très touché par les rencontres que j’avais faites, et j’ai eu très envie de continuer de transmettre le bonheur que j’avais reçu, grâce à ces enfants, à ces familles, grâce à cette joie de vivre parfois incroyable.

Peu après, je suis tombé sur une histoire aux États-Unis, où un père, Dick Hoyt, avait fait une dizaine d’ironman 1 avec son fils handicapé moteur cérébral. Ce qui est étonnant dans cette compétition, en particulier dans celle de Nice, c’est qu’il y a des handicapés qui sont au milieu de valides, on pourrait presque dire qu’ils sont à l’intérieur des valides, car ils sont tirés par ceux-ci, dans l’eau, à vélo et à pied. C’est cette aventure extraordinaire que raconte mon film 2.

Je suis parti de cette histoire, et, à partir de là, on a construit une famille et une dramaturgie propres au film.

Ça ne vous intéressait pas de prendre pour héros un handicapé mental ?

J’avais envie de travailler sur l’infirme moteur cérébral. J’aurais pu prendre un autre handicap, une autre différence. En ce qui me concerne, depuis vingt ans, je ne fais que des films sur la différence et sur l’exclusion. Mais mon personnage, il n’est pas particulièrement représentatif du handicap, il est unique, il est singulier, c’est son histoire à lui.

Qu’est-ce que le tournage de ce film et la collaboration avec le jeune Fabien Héraud ont changé dans votre vie ?

Fabien, c’est un môme que j’adore, ça a été une super belle rencontre. Il est éblouissant ce gamin, c’est un magnifique acteur (même si je ne pense pas qu’il continue dans cette voie-là), et, dans la mesure où j’ai passé cinq mois à le chercher partout, le jour où j’ai trouvé cette perle, j’étais vraiment content. Si on a choisi Fabien, c’est parce qu’il a un charme, une voix, et il a la pêche, il est combatif, il est heureux. C’est un môme comme les autres. Il est super, et j’étais content de l’avoir avec moi sur le tournage.

Qu’est-ce que ce tournage a changé dans sa vie à lui ?

Changé, je ne sais pas, mais ça l’a fait évoluer, ça l’a fait grandir, forcément, de travailler avec des gens d’un autre milieu, avec des gens qui étaient à son écoute, plutôt sympas, et ne le traitaient pas comme un môme différent. Certes, il était loin de ses parents, avec seulement son kinésithérapeute, mais c’était une expérience unique. Oui, il m’a dit que cela l’avait fait grandir, que c’était pour lui une aventure formidable. C’est un môme très sain. D’ailleurs, il est en train de passer son bac.

Votre film a déjà été présenté dans toute la France, quelle est la réaction des spectateurs ?

Ce que j’aime quand je sors des salles où l’on vient de projeter mon film, c’est que les gens ont dépassé le handicap. Et du coup, on voit bien que c’est un film sur une histoire d’amour à l’intérieur d’une famille qui pourrait être la leur et qui donne un sentiment très positif. C’est un film sur la relation père/fils, c’est une histoire d’amour entre un père et son fils, une histoire d’amour au sein d’une famille. On peut dire qu’il s’agit de la reconstruction d’une famille un peu fragilisée, entre autres par l’enfant handicapé. J’aime bien Fabien, parce qu’il dit : « dans personne handicapée, il y a d’abord personne. » Là-dessus, il est très juste.

Vous disiez tout à l’heure que vous vous êtes toujours intéressé à l’exclusion, je pense aussi que vous vous êtes toujours intéressé au corps, que ce soit celui des danseurs, avec leur recherche de perfection, mais aussi le corps en formation, avec le fœtus, dans le ventre de sa mère, etc.

Oui, c’est au dépassement de soi-même par le corps, absolument. Il y a de ça dans mes films, c’est très vrai. Ils traitent de l’exclusion et de l’enfance. Tout tourne autour de l’enfance et du corps, c’est vrai. Là on est sur une histoire d’un père qui va se dépasser physiquement pour dire « je t’aime » à son fils. Le corps est très présent. Et d’ailleurs, Jacques Gamblin a pris le rôle en main par le corps, en le vivant par son corps.

Avez-vous quelque chose à ajouter ?

Vous savez, je pourrais parler du film pendant des heures, mais ce qui est sympa, c’est que je viens de faire une quinzaine d’avant-premières, et les gens sortent en disant : « Le film me fait du bien, il me donne la pêche. » Ils disent qu’ils sortent remplis d’émotion joyeuse. Et moi, ça m’est très agréable, car cela veut dire qu’ils ont profité de la lumière de Fabien, qui est éblouissante.

http://lci.tf1.fr/cinema/news/de-toutes-nos-forces-ce-film-donne-la-niaque-8388937.html

  1. L’ironman (l’homme de fer) est une compétition de triathlon d’une longueur inhabituelle, qui consiste à enchaîner 3,8 km de natation, 180 km de cyclisme et un marathon de 42,195 km ! Cette compétition, initiée à Honolulu, en 1978, a été déclinée dans différents pays, dont la France, avec Nice, où se passe une partie de l’action du film.
  2. Les films avec des héros handicapés — comme « Intouchables » — sont suffisamment rares pour qu’on leur prête attention, surtout s’ils dispensent une belle leçon de vie. Quand Paul se retrouve au chômage, il doit faire face à ce qu’il a toujours voulu fuir : le handicap de son fils. Julien, 17 ans, est un handicapé moteur cérébral, qui, malgré son fauteuil roulant, ne manque pas de projets. Il demande à son père de participer avec lui à l’une des compétitions les plus difficiles qui soit : l’Ironman de Nice, un triathlon.

    En s’inspirant des exploits d’un Américain, Nils Tavernier a écrit et réalisé cette histoire étonnante. Mais le vrai thème du film, ce n’est pas le handicap, ni même cet exploit sportif incroyable, mais bien la relation entre un père et son fils qui va se reconstruire à travers ce projet. Car le jeune héros, qui a bien compris le malaise de son père face à son handicap, va réussir, à force de détermination et d’amour, à tisser un lien très fort avec lui.

    Fabien Héraud est un jeune handicapé plein de charme, qui, par son sourire et son regard malicieux, illumine cette histoire émouvante, tandis que Jacques Gamblin mouille sa chemise avec beaucoup de conviction. Alexandra Lamy, elle, confirme qu’elle est une immense actrice. En évitant tous les pièges du pathos qu’aurait pu entraîner une telle histoire, Nils Tavernier signe un film optimiste et très réconfortant.

    Il y a tant de joie de vivre et d’énergie chez ce jeune handicapé que cela irradie tout le film. Le père, qui fait preuve d’un courage extraordinaire dans cette épreuve sportive, va réussir à renouer des relations fortes avec son fils — dont on oublie très vite le handicap — et à reconstruire son couple et sa famille. Cette œuvre émouvante rend le spectateur euphorique.

    M.-C. R.d’A.

    Comédie dramatique française (2013) de Nils Tavernier, avec Jacques Gamblin (Paul), Fabien Héraud (Julien), Alexandra Lamy (Claire), Sophie de Fürst (Sophie), Pablo Pauly (Yohann), Xavier Mathieu (Sergio) (1h58).(Adolescents) Sortie le 26 mars 2014.