Les commémorations du centenaire de la Grande Guerre donnent lieu à des déclarations qui mettent en évidence l’opposition de l’Europe déchirée d’hier par rapport à l’Europe pacifiée d’aujourd’hui. Et c’est l’occasion de faire la leçon aux eurosceptiques qui n’apprécient pas, comme il convient, l’inestimable réconciliation des peuples, qui, hier, s’opposaient en de sanglantes boucheries. C’est le président Hollande qui parlait, le 11 novembre à Notre-Dame de Lorette d’« effroyable boucherie ». Je ne suis pas sûr que ceux qui critiquent l’Europe bruxelloise veuillent en revenir aux déchirements d’antan. Par contre, je serais plus attentif aux discours qui soulignent les carences de l’Union européenne. Il est indiscutable que l’espace de paix qui a été créé, et qui s’étend depuis 1989 jusqu’aux marches de la Russie, est un acquis d’un immense prix. Encore faudrait-il admettre que la paix est une conquête difficile et que nous aurions grandement tort de nous endormir sur nos lauriers pacifistes.
Cette Europe, à l’exception de la France et de la Grande-Bretagne, refuse obstinément de faire les efforts budgétaires nécessaires à sa défense commune et préfère demeurer à l’abri du parapluie américain. En d’autres termes, de l’OTAN. Attention, ce n’est pas sans risque. Mikhaïl Gorbatchev, dernier dirigeant de l’Union soviétique, est venu à Berlin, à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la chute du Mur pour faire une déclaration tonitruante. Nous sommes, a-t-il affirmé, au bord de la guerre froide. Ce disant, il ne s’en prenait pas à Vladimir Poutine et à sa stratégie anti-européenne en Ukraine. Non, il visait les Occidentaux, qui voudraient lancer une nouvelle course aux armements. On peut, certes, s’indigner contre de tels propos. Mais il est plus prudent de réfléchir à leur portée. Dans le bras de fer qui se joue en ce moment sur la zone critique de l’Ukraine, les Russes sont presque unanimes à dénoncer les manœuvres de l’OTAN. Ce n’est pas les approuver que de souligner qu’il y a péril en la demeure et qu’il conviendrait peut-être de ne pas trop exacerber nos contentieux. Certes, on peut craindre beaucoup de la stratégie de Poutine, mais il vaudrait mieux désamorcer la nouvelle guerre froide (qui risque de devenir brûlante), par une ambitieuse entreprise diplomatique.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 13 novembre 2014.