Dès son accession au Siège de Pierre, et même bien avant, mais d’une façon extrêmement répétitive depuis lors, notre pape François nous apprend à distinguer « l’Eglise hiérarchique » de la « hiérarchie dans l’Eglise ». Le premier terme regarde le peuple chrétien en son ensemble ; le deuxième ce qu’on pourrait appeler, avec une certaine dose d’approximation, son « squelette » : les organes de juridiction, doctrine et discipline qui la structurent à un niveau d’autorité.
L’idée principale d’un tel enseignement vise à faire prendre une meilleure conscience aux baptisés — hiérarques ou pas — qu’ils sont comme la chair du Christ. Tout en relativisant les structures de fonctionnement qui sont à son service. De quoi désapproprier mentalement de leur charge ceux qui éventuellement en auraient fait « leur affaire ». Il n’y a rien de nouveau là-dedans, témoin par exemple une grande Catherine de Sienne qui élève sa critique jusqu’au Siège romain. Les membres de la Curie, ministres du Pape sont plus directement dans le collimateur. Notre pape François veut décentraliser, réduire la distance entre l’en-haut et l’en-bas, le sommet et la base, le centre et l’entour, l’échelon des intermédiaires donc moins marqué. Entre une Eglise qui enseigne (Ecclesia docens) et une Eglise qui apprend (Ecclesia discens), il veut une structure d’épaisse liaison, communionnelle, synodale, quelque chose incluant mais dépassant l’affectif pour une participation plus élargie de l’autorité.
La conjonction de ces divers aspects de l’Ecclesia n’est pas aisée. Le rappel de la constitution de l’Eglise primitive, fondée sur les douze Apôtres. n’y suffit pas puisque leur collège a un sommet, Pierre. La vision d’ensemble c’est le corps mystique de Jésus avec Jésus pour tête et Pierre son vicaire sur terre. « Cum Petro et sub Petro », l’avec (« cum ») et le « sous » avec « sub ». Le modèle synodal de l’orthodoxie fournissant des lumières sans nous départir de notre vision spécifique catholique. Il y a un sommet personnel, individuel, source d’une juridiction globale, chez nous. Dans son effort œcuménique le pape François dépasse parfois les initiatives de ses prédécesseurs au point d’agacer à l’occasion les grecs-catholiques – les uniates – qui lui rappellent qu’ils ont payé le prix du sang pour rester fidèles au Siège romain.
N’y suffit pas non plus l’idéal du service qui doit inspirer chaque membre d’un tel corps… Il peut bien utiliser pour en souligner l’importance son image d’une pyramide inversée ( la base devenant sommet : Jésus lavant les pieds à ses disciples), la vision de la verticalité structurelle s’impose toujours. Le « flair » des bonnes voies qui serait un apanage de l’ensemble des fidèles réunis en troupeau, idée si chère à notre pape François, ne la remplace pas. « Le service lui-même n’est jamais idéologique, puisqu’il ne sert pas des idées mais des personnes. »
En connexion des diverses structures en cause, d’aucuns proposent maintenant une maintenance pyramidale d‘un modèle différent de celui qui nous servait jusqu’ici pour présenter graphiquement notre Eglise : à savoir, une pyramide non plus à la manière égyptienne mais à la manière aztèque, verticalité pleinement maintenue, avec un sommet unifié, mais coupée dans sa hauteur, avec des plateformes de communication et sollicitude partagée aux étages.
« Le passage à la pyramide aztèque est un acquis indéniable de ces dernières décennies sous l’effet du renouveau ecclésiologique du XXe siècle, de la doctrine conciliaire et surtout des pratiques ecclésiales sur le terrain. Entre pape et évêques, autorité primatiale et autorité collégiale sont appelées à se croiser et, si je peux dire, à se féconder. » (Stéphane Bauzon, dans le Dictionnaire encyclopédique d’éthique chrétienne »
Et par dessus tout, vivifiant les conditionnements de service comme ceux d’autorité, la charité (1 Co..13,13), parfum de Jésus-Christ, encens de prière.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- 2 - Le sacrement de l'ordre