De la dérision - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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De la dérision

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Ajouterai-je mon grain de sel à l’affaire Charlie-Hebdo ? Que dire de plus que tout les confrères, les politiques, les moralistes, sur le caractère insupportable d’un attentat contre le siège d’un journal, d’un incendie criminel qui, fort heureusement, n’a pas fait de victimes mais qui aurait pu avoir des conséquences encore plus graves ? L’atteinte à la liberté d’expression, fondement de notre Etat de droit, ne supporte aucune excuse. Nous sommes bien d’accord. Le ministre de l’Interieur l’a dit : on peut aimer ou ne pas aimer Charlie Hebdo, mais c’est un journal qui a le droit à la libre expression, comme tous les journaux. Là dessus, on ne peut que joindre sa voix à indignation générale.

Charlie-Hebdo évoque pour moi de vieux souvenirs, il m’est arrivé de côtoyer ses fondateurs et même ses ancêtres d’Hara-Kiri, qui se proclamait « journal bête et méchant ». Il y avait Cavanna qui est toujours parmi nous, l’inénarrable professeur Choron, Reiser, Gébé… On pouvait trouver, dès l’origine, ce mélange de talent et de provocation qui continue à faire les beaux jours de ce style satirique qui a ses clients et aussi ses détracteurs.

Bien sûr, il y a des limites dont la transgression paraît non-admissible, dès lors qu ‘elle met la dignité humaine en défaut. De ce point de vue d’ailleurs, il me semble que l’équipe actuelle joue sur un mode plutôt mineur par rapport aux outrances salées dont j’ai souvenir.

C’est un problème philosophique qui se pose. L’ironie peut être dévastatrice, elle peut blesser profondément. C’est pourquoi l’humour était défini par Kierkegaard comme un stade supérieur d’intelligence. Rien n’égalera l’humour d’un Chesterton pour déchiffrer le secret de notre condition. Pourtant, il m’est arrivé de trouver des vertus singulières à la satire la plus vacharde. Celle qui résulte d’une révolte contre ce qu’on considère comme une injustice insupportable. Une incongruité métaphysique. Le pied de nez à la terre et au cieux est alors une façon paradoxale de rendre hommage à ce qu’il y a d’absolu en nous, alors même qu’on refuse l’absolu ! Pascal avait déjà parlé d’un « cloaque d’incertitudes », ce n’était pas pourtant un adhérent au nihilisme.