Vous connaissez bien la figure du Père Brottier, fêtée chaque année dans le diocèse de Blois…
Mgr Jean-Pierre Batut : Chaque année a lieu à La Ferté-Saint-Cyr (Loir-et-Cher), ville de naissance du Père Brottier, une fête à la fois religieuse et civile. Cela reflète bien les deux aspects de sa vie, surtout au lendemain de la Première Guerre mondiale, quand il a fondé avec Clemenceau l’Union nationale des combattants : c’était Don Camillo et Peppone ! Ce souvenir est encore bien vivant, car à chaque fois que nous célébrons sa fête, au mois de février, je dépose une gerbe au pied de sa statue après la messe avec des élus : sénateurs, députés, maires… C’est un très beau témoignage de l’imbrication de nos deux histoires religieuses et civiles en France et c’est suffisamment peu fréquent pour être relevé.
Le Père Brottier voulait être pape à 5 ans, ce à quoi sa mère lui répondit : « Il faut d’abord être prêtre… » Que vous inspire cette jeune vocation sacerdotale ?
Il a même répondu : « Alors, je serai prêtre ! », avec toute la fraîcheur d’un petit enfant qui sait déjà ce qu’il veut. Cela nous révèle un tempérament très fougueux, déterminé qui, dans le contexte d’une foi très vive, se met tout entier au service du Seigneur, auquel il dit : « Je veux faire beaucoup de choses pour Toi. »
On a l’image d’un homme d’action. Mais la prière tenait aussi une grande place dans sa vie…
C’est l’un des aspects les plus remarquables. Homme d’action – et quel homme action ! – il n’a jamais cessé d’être un homme de prière. La synthèse de la prière et de l’action s’est de plus en plus approfondie chez lui. Il disait : « Mon secret c’est celui-ci : aide-toi et le ciel t’aidera. Mon secret, ce furent douze années de travail quotidien, jour et nuit, un travail acharné et persévérant. » Il s’est démené à l’extrême, s’est vraiment usé au travail et pourtant, il disait aussi : « Je n’ai qu’à demander pour obtenir de sainte Thérèse tout ce que je veux. » Il y a une sorte de synergie entre une vie de prière très intense et une vie d’action où il n’épargne pas ses forces. L’une et l’autre grandissent de concert, alors qu’on a souvent tendance à dire : « Je n’ai pas le temps de prier car je suis dans le feu de l’action » ou : « Je vais prier et ça me tombera du ciel tout cuit ».
Cet état d’esprit était au cœur de sa pédagogie.
Quand il dit à ses garçons : « Devenir des hommes, tel doit être votre idéal ; un homme, c’est quelqu’un qui sait ce qu’il veut et qui l’accomplit coûte que coûte », on a l’impression qu’à la force du poignet, on va réussir sa vie. Mais ces paroles-là ne sont compréhensibles que dans le contexte d’une vie spirituelle intense, celle qu’il leur faisait vivre. Ce qu’il voulait donc dire, c’était : « Plus vous serez abandonnés à Dieu, plus vous serez des hommes énergiques ; et plus vous serez des hommes énergiques, plus il faut vous abandonner à Dieu. » Ça, je crois que c’est un message actuel pour toutes les époques, mais peut-être surtout pour la nôtre.
Retrouvez l’intégralité de l’entretien et notre « Grand angle » consacré au bienheureux Père Brottier dans le magazine.