De quelle périphéries s’agit-il ?
Mgr Albert de Monléon : Le Pape François ne cesse de nous inviter à recevoir la Miséricorde, à être des témoins et des artisans de Miséricorde, principalement « aux périphéries ». Or les Sœurs de Marie Joseph et de la Miséricorde qui nous accueillent, vivent une très belle pastorale de la miséricorde auprès des personnes détenues. Avec l’Aumônerie générale des Prisons, d’une part, et avec le Relais Saint Martin du diocèse de Pontoise, d’autre part, nous avons donc écrit à des détenus ainsi qu’à des personnes en précarité, pour leur demander de prier pour ce congrès alors qu’habituellement, c’est nous qui prions, ou faisons prier, pour ces personnes… Le 2 juillet, lors du congrès, ce sont donc ces personnes « aux périphéries » en particulier qui seront mises à l’honneur
On a fêté à la Pentecôte les 50 ans du Renouveau charismatique catholique dont vous avez été une cheville ouvrière: comment avez-vous découvert le Renouveau et que lien voyez entre l’effusion de l’Esprit et le don de la miséricorde ?
J’ai découvert le Renouveau charismatique catholique aux Etats-Unis en 1970, alors que jeune dominicain, j’enseignais cet été-là dans la grande institution dominicaine de Providence College, à Providence, capitale du Rhode Island, au Nord-Est des Etats-Unis. Un frère dominicain m’a conduit, un soir, dans une paroisse catholique où se tenait une assemblée de prière précédée de la messe. J’ai été séduit, interloqué, et je me suis mis à étudier soigneusement ce courant naissant. J’ai d’autant plus observé ce Renouveau que, quelques années auparavant, j’avais été envoyé aux Etats Unis pour étudier le protestantisme américain et je m’étais alors intéressé aux mouvements de Réveil ainsi qu’à toute l’ébullition du monde étudiant américain de l’époque (tous les courants des « Jesus People », ceux du refus de la guerre du Viêt-Nam, etc.).
Personnellement, j’ai redécouvert la miséricorde grâce aux homélies de Jean-Paul II, lors de son voyage en Pologne en août 2002. Certes, la miséricorde est au cœur de la spiritualité dominicaine et de la théologie de saint Thomas d’Aquin, mais il a fallu ce regard prophétique de saint Jean-Paul II et que je m’approche, si je puis dire, de sainte Faustine pour commencer à saisir l’ampleur, la force, la profondeur de la miséricorde.
Le lien avec le Renouveau charismatique me semble-t-il, est de deux ordres. Tout d’abord, l’effusion de l’Esprit, en mettant en présence de la réalité et de la proximité de Jésus, du Père, donne une ouverture, une sensibilité plus grande aux réalités de la vie surnaturelle et du ciel. En second lieu, dès lors que l’on expérimente l’Amour de Dieu inconditionnel, qui rejoint tant de personnes très diverses dans le monde entier, et que l’on éprouve la miséricorde de Dieu à notre égard, notre cœur s’ouvre au désir d’aimer, au désir de compassion, de miséricorde. Car Dieu est riche en miséricorde, dans l’immense amour dont Il nous a aimés (Ep 2,4).
Je pense aussi que beaucoup de personnes qui ont découvert sainte Faustine et la Miséricorde divine viennent du Renouveau.
On a pu dire que le récent pèlerinage du pape François à Fatima était comme un « point d’orgue marial » du Jubilé de la miséricorde : quelle place a Marie dans les congrès de la miséricorde ?
La Vierge Marie a une place essentielle dès que l’on se tourne vers la miséricorde. Elle est la Mère de Miséricorde. Le saint Curé d’Ars disait: « Dans le cœur de la Sainte Vierge, il n’y a que la miséricorde ». Au XIIe siècle, un grand théologien de la charité, Richard de Saint-Victor, écrivait : « Marie est devenue Mère de Dieu en vue de la miséricorde. L’ultime dessein de Dieu, la raison d’être de toutes ses œuvres, c’est la miséricorde, et Marie en est l’accomplissement le plus achevé. » Quant au pape François, il écrit dans Le Visage de la Miséricorde que « personne n’a connu comme Marie la profondeur du mystère du Dieu fait homme. Sa vie entière fut modelée par la présence de la miséricorde faite chair. » (n° 24).
Nos deux derniers Congrès ont eu lieu dans deux grands sanctuaires mariaux : Notre-Dame du Laus, en 2012 et Lourdes, en 2015. En cette année du centenaire des Apparitions de Fatima, le voyage du Pape François, la canonisation des deus petites bergers : Saint François et sainte Jacinthe, nous rappelle cette immense compassion de Marie pour l’Eglise, pour le monde, pour « les pauvres pécheurs ». En confiant, notre congrès, cette année, au Cœur Immaculé de Marie nous lui demandons de susciter, dans l’amour miséricordieux de Jésus, de vivants témoins et des artisans actifs de la Miséricorde divine auprès des plus délaissés.
Pourquoi est-il si important qu’un congrès sur la miséricorde s’intéresse aux personnes « aux périphéries » ?
Pour deux raisons fondamentales. D’abord, parce que les personnes aux périphéries qui vivent des situations difficiles, espèrent un avenir meilleur, ont des idées, des choses à partager, veulent vivre dignement, ont le plus besoin d’une charité active, compétente. Saint Augustin définissait la miséricorde, selon l’étymologie latine du mot, comme le cœur qui se rend proche de celui qui est dans la « misère » et qui, autant qu’il le peut, s’efforce de l’en sortir. La miséricorde n’est pas de la commisération mais une charité active et si possible inventive. A l’égard des plus démunis, n’oublions pas que la miséricorde commence par faire œuvre de justice, c’est-à-dire de leur procurer ce que leur condition humaine demande en justice : nourriture, vêtement, un toit, l’éducation, l’attention à leur personne, une présence. Car nous le savons bien, une des plus grandes misères, si répandue actuellement, de nos sociétés, c’est la solitude.
Un congrès sur la miséricorde aux périphéries est très nécessaire, car il est relativement facile, relativement, de parler de la miséricorde, de prier Jésus miséricordieux, mais ce qui importe avant tout c’est d’essayer d’en vivre, en acte et en vérité.
A partir de quel âge peut-on venir à un congrès de la miséricorde ?
Dès que l’on est porté dans les bras de sa mère !
http://www.congresmisericordefrance.catholique.fr/