Rien ne titille notre tranquillité en provoquant une crainte existentielle profonde comme la pensée de la mort. Si tout ce que nous avons cherché à obtenir – tout ce que nous avons appris et expérimenté, tous ceux que nous avons aimés – si tout cela se réduit à rien, y a-t-il un but dans la vie, nous demandons-nous. La vie a-t-elle un sens ?
Comme l’a fait justement remarquer Vatican II : « c’est en face de la mort que le mystère de l’existence humaine se fait plus incisif. L’homme est tourmenté non seulement par la souffrance et par la détérioration progressive de son corps mais bien plus par la crainte d’un anéantissement définitif (Gaudium et Spes, 18) ».
Au cours des siècles, beaucoup de gens ont été convaincus qu’il devait y avoir une autre vie après la mort pour qu’il y ait un sens à la vie. Et cependant, certaines opinions sur la vie après la mort peuvent également donner l’impression que la vie est dénuée de sens.
Si le Ciel est si merveilleux, pourquoi perdre notre temps sur terre ? Et qu’en est-il de tout ce pour quoi nous avons lutté, de nos amitiés, de nos amours, de notre dévouement aux autres ? Quand nous mourons, abandonnons-nous tout ce que nous aimons ? Pour beaucoup, même pour ceux qui croient à une vie après la mort, leur plus grande peur est de perdre le contact avec ceux qu’ils aiment.
De même, l’opinion qu’on a sur ce qu’est une vie bonne pour l’homme sur cette terre ne devrait pas entrer en contradiction avec la vie des bienheureux au Ciel, et vice versa. Si, sur terre, « la vie la meilleure pour l’homme » est une vie de vertu, alors nous ne pouvons pas sans une coupable inconséquence soutenir que la vie des bienheureux au Ciel implique la débauche sexuelle avec soixante-dix vierges.
De même, si un chrétien croit que le Ciel est le royaume de l’amour altruiste de Dieu et des autres mais qu’il vit maintenant dans la poursuite de la richesse, du pouvoir, des honneurs, alors il a échoué à saisir le lien entre cette vie et celle à venir.
Une chose que nous trouvons dans la révélation divine, pleinement confirmée par les apparitions de Jésus après la Résurrection, est que la promesse de la vie éternelle inclut la résurrection du corps. De façon regrettable, de nombreux chrétiens semblent inconscients de cette doctrine centrale de leur foi. Bien que chaque fois que nous répétons le Credo nous proclamons notre foi dans « la résurrection de la chair », la prise de conscience de cette doctrine chrétienne semble rare.
Si un chrétien affirmait que la mort entraîne la libération de l’âme de la prison du corps, comme semblait le penser Socrate, son opinion serait en désaccord non seulement avec l’enseignement de Paul mais également avec la compréhension chrétienne de l’unité indissoluble de l’âme et du corps. Même des chrétiens sachant que leur foi inclut la croyance en la résurrection de la chair demanderons : « qu’est-ce que cela signifie ? »
C’est une grande question, de toute évidence, trop grande pour être entièrement traitée dans un petit article, aussi je me permets de signaler mon livre qui vient de sortir chez Emmaus Press : « From Here to Eternity : Reflections on Death, Immortality, and the Resurrection of the Body » (D’ici-bas à l’Eternité : réflexions sur la mort, l’immortalité et la résurrection de la chair). […]
Dans le livre, je soutiens que la vision chrétienne de la vie à venir est révélée le plus pleinement dans la personne du Christ ressuscité. Il y a d’autres allégories scripturaires du Ciel et elles ne sont pas sans importance. Mais ce ne sont toujours que des images. La révélation la plus essentielle sur la vie à venir est donnée par le Christ lui-même dans son propre corps ressuscité.
Cette révélation nous garantit que, après la mort, nous pouvons, si nous répondons aux grâces que Dieu nous a données, partager pleinement l’amour trinitaire du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint. Mais elle montre également que nous serons unis à Dieu de telle manière que nous ne perdrons pas notre identité non plus que nos liens avec ceux que nous aimons. Le Christ ressuscité qui se manifeste dans la chambre haute est toujours Jésus, celui qu’ils ont connu, pas un « esprit » gnostique libéré par la mort de son corps.
Marie et les saints ne sont pas « absorbés » en Dieu comme une goutte d’eau retournant à l’océan. Ils restent des personnes distinctes, toujours unies à nous dans l’amour mais encore plus intimement, non seulement près de nous mais au-dessus de nous et en nous, priant pour nous plus puissamment à tout moment, unies à nous parce qu’unies au Corps Ressuscité du Christ.
La Résurrection du Christ et la résurrection générale des croyants nous donne l’espérance – non pas simplement d’échapper à cette vie-ci, laissant derrière nous tous ceux que nous aimons (comme dans la série télévisée protestante « Left Behind »). Elle nous donne l’espérance de la transformation et de la rédemption de notre vie – un voyage qui, bien que n’atteignant son terminus que dans la vie future, commence maintenant, aujourd’hui, dans cette vie-ci.
« Par le baptême, nous avons été ensevelis avec Lui dans la mort » écrit Saint Paul aux Romains, « afin que, comme le Christ a été relevé de la mort par la gloire du Père, nous aussi nous puissions marcher dans la nouveauté de la vie ».
Tout comme l’Eglise soutient depuis longtemps que la grâce ne viole pas la nature mais la parfait, de même la notion chrétienne de la vie à venir ne nie pas la valeur de cette vie mais en est le parachèvement. La promesse chrétienne, c’est que, si nous vivons en union avec le Christ crucifié et ressuscité, nous vivons dès maintenant un avant-goût de la vie dont jouissent les bienheureux – tous les Saints que nous fêtons ce jour – dans le Ciel.
Le message chrétien est donc celui-ci : commencez dès maintenant la vie du Ciel, la vie du Christ crucifié et ressuscité, une vie purgée de notre faux moi et de son égoïsme, pour laisser la place à une « vie éternelle », une vie vouée à l’amour altruiste de Dieu et du prochain. La « bonne nouvelle », c’est qu’aucun pouvoir sur terre, aussi grand qu’il soit, pas même la mort, ne peut nous séparer de cet amour de Dieu et du prochain.