Quelqu’un Lui demanda : « Seigneur, n’y aura-t-il que peu d’élus ? » Bonne et majeure question pour notre foi. Elle concerne la justice divine et la miséricorde, l’éternité et l’évangélisation, la grâce et les mérites.
Malheureusement, le Seigneur ne semble guère désireux de donner une réponse directe. Ni OUI, ni NON, ni indications sur les populations présentes au Paradis ou en enfer. Au lieu de quoi, Il profère une exhortation, et énonce une parabole.
Bien sûr, Il ne fuit pas la question. La réponse de notre Seigneur montre que, contrairement à l’opinion commune, atteindre le salut sera — pour le moins — difficile. D’où l’incitation à s’efforcer de franchir la porte étroite. Mais, insistant, Il traite de deux questions relatives aux habitants du Paradis : curiosité et satisfaction. Par son côté direct la réponse concerne la curiosité. Son contenu est la réponse directe.
Quelqu’un Lui demanda « Seigneur, n’y aura-t-il que peu d’élus ? » Remarquez qu’en réponse le Seigneur indique — en fait ordonne — à l’intervenant : efforce-toi de franchir la porte étroite . Cette réponse crue (en fait, pas une réponse) montre que le souci de cet homme a besoin d’être réorienté. Il y a une espèce de suffisance dans sa question. Il cherche davantage de statistiques relatives au Paradis que d’informations sur son propre salut. Évidemment, il n’allait pas poser plus de questions pour les autres que pour lui-même. Sa question ne devrait pas concerner les autres mais lui seul : que dois-je faire pour être sauvé ?
C’est à cette question (non posée) que répond notre Seigneur : « Efforce-toi de passer par la porte étroite. En fait, cesse de poser des questions à propos des autres . . . . Regarde ce qui te concerne et ce que tu dois changer pour gagner le Paradis. » La réponse de Jésus ressemble à son dialogue avec Pierre au bord de la Mer de Tibériade [Jn, 21;20-23] voyant Jean demande à Jésus : « et lui ? » notre Seigneur répond : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? Toi, suis-moi. »
Que t’importe ? Toi, suis-moi. Il est bon de se soucier du salut des autres, ainsi que de la théologie du Salut. Mais quand c’est au dépens de notre propre salut et de notre propre conversion — ce qui semble être le cas dans la question de l’intervenant — alors c’est une distraction, une vaine curiosité.
Mais cette distraction nous est agréable. Songer à notre propre salut est un défi. Il est bien plus facile de songer au salut des autres. Alors, plutôt que prendre notre propre salut en considération, nous envisageons le salut dans une destinée abstraite de nos voisins. Pour rompre avec cette vaine curiosité, notre Seigneur nous lance directement cet avis : « Efforcez-vous de franchir la porte étroite. »
Ensuite, la réponse du Seigneur tente de frapper son interlocuteur — et nous aussi — sans complaisance : Efforcez-vous [en Grec « agonizesthe », racine du mot agonie] de franchir la porte étroite. Une traduction littérale dirait : passer la porte étroite est une forme d’agonie. L’entrée au Paradis n’est guère aisée, la grâce divine ne porte de fruit dans nos existences que si nous nous efforçons — à l’agonie — de coopérer. Il nous faut, jour après jour, mettre à mort le rebelle qui guette en nous et faire place à l’action de la grâce. Nous ne pouvons nous asseoir sans rien faire dans l’attente de l’entrée au Paradis. Pas de laisser-aller !
Par contre, la parabole de notre Seigneur nous dit le destin de ceux qui se laissent vivre. Ils sont au courant, mais superficiellement, de l’action du Maître de maison. Il était en leur compagnie, buvant avec eux, enseignant en public. Mais Il ne les connaissait pas car ils ne prenaient pas la peine de Le connaître vraiment. Ils étaient près de Lui, en Sa compagnie, peut-être dans la foule qui L’entourait. Mais ils ne prirent jamais la peine de Le connaître directement, en personne.
Étrangement, cette complaisance menace ceux qui ont déjà la foi. C’est pourquoi notre Seigneur donne toute Sa leçon non pas aux incrédules mais à ceux qui Le suivent et se sentent à l’aise en clamant « Seigneur, ouvre nous la porte. » C’est un avertissement pour ceux qui se sentent si bien au sein de l’Église qu’ils peuvent se laisser aller, trop décontractés face aux questions divines. En fait, nous pouvons avoir une certaine connaissance de notre Seigneur — par ses récits, enseignements, paraboles, miracles, etc… — sans vraiment Le connaître.
La complaisance peut alors devenir routine. Cependant, au cours de l’existence, ce qui commençait à modeler notre existence autour de la foi devient pour notre vie le modèle pour notre foi. Nous continuons par nos prières, nos dévotions, la Messe, etc… Mais tout a changé. La foi demeure une part de notre existence. Elle cesse de définir nos vies.
Effort. Ce simple mot englobe ce qui doit être en permanence dans la vie du Catholique : l’effort de soumettre chaque partie de nos existences à Son doux joug ; un souci pour nous libérer de tout ce qui peut nous éloigner de Lui, le désir de grandir vers Sa ressemblance.
25 Août 2019
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/08/25/for-the-curious-and-complacent/
Le Jugement Dernier – James B. Janknegt, 2008