Croire en la Trinité, est-ce du polythéisme ? - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Croire en la Trinité, est-ce du polythéisme ?

Réflexion sur une objection souvent opposée aux chrétiens par les musulmans.
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Cinq fois par jour, les muezzins proclament du haut des minarets l’unicité de Dieu : « Il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu : la ilaha ill’allah. » Mais ce que l’on sait moins, c’est que cette profession de foi, par sa forme redondante, est en réalité une proclamation anti-trinitaire. Il s’agit, en effet, pour les musulmans, de refuser ce qu’ils nomment « l’associationnisme », shirk, c’est-à-dire l’affirmation de la divinité du Christ et de l’Esprit. Car, selon la théologie coranique, les chrétiens sont tout simplement des polythéistes, qui « associent » d’autres divinités au Dieu unique.

La pluralité en question

Ainsi lit-on dans le Coran, à la sourate 112, dite sourate du « monothéisme pur » : « Il est Allah l’unique, Allah le seul à être imploré pour ce que nous désirons. Il n’a jamais engendré et n’a pas été engendré non plus. Et nul n’est égal à lui. » Dès lors, les musulmans considèrent que Jésus n’est qu’un messager de Dieu : « Le Messie Jésus, fils de Marie, n’est qu’un Messager de Dieu, Sa parole qu’Il envoya à Marie, et un souffle venant de Lui. Croyez donc en Dieu et en Ses messagers. Et ne dites pas “rois ”. Cessez ! Ce sera meilleur pour vous. Dieu n’est qu’un Dieu unique » (4, 171).

On trouve dans le Coran quelques justifications de principe de ce refus de la pluralité en Dieu : « Allah est trop glorieux pour avoir un enfant » (4, 171). Et même ceci, qui peut surprendre : « Comment Dieu aurait-il un enfant, puisqu’il n’a pas de femme ? C’est lui qui a tout créé, et il est omniscient » (6, 101). Souvent, ce refus se mêle à une erreur factuelle : les musulmans croient volontiers que la Trinité chrétienne est composée de Dieu, Jésus et Marie. Ainsi est-il écrit dans le Coran : « Rappelle-leur le moment où Allah dira : “ô Jésus, fils de Marie, est-ce toi qui as dit aux gens : “Prenez-moi, ainsi que ma mère, pour deux divinités en dehors d’Allah ?” Il dira : “Gloire et pureté à Toi ! Il ne m’appartient pas de déclarer ce que je n’ai pas le droit de dire !” » (5, 116). Voilà, en somme, la position de l’islam sur la Trinité.

Que répondre ?
Que penser de ces différentes objections ? On peut commencer par éliminer l’objection la plus faible, qui est fondée sur l’ignorance pure et simple de la doctrine : Marie ne fait évidemment pas partie de la Trinité ! Jamais l’Écriture, ni la Tradition n’ont affirmé la divinité de la Vierge.

Il faut ensuite traiter la racine de l’objection islamique, qui est le refus de reconnaître la divinité du Christ. Fondamentalement, on ne peut lutter contre ce refus que par les preuves de la divinité de Jésus. Nous autres chrétiens devons donc les connaître et nous entraîner à les présenter : il s’agit tout d’abord de montrer que Jésus a affirmé sa divinité – par ses paroles et par ses actes – et, ensuite, que le Père a validé ses affirmations par la Résurrection, dont on montrera la probabilité comme fait historique.

Mais parallèlement, il faut réfuter les objections de principe, qui sont opposées a priori à la possibilité même de la Trinité, et qui reviennent à dire que la Trinité est absurde. Il y a d’abord l’objection enfantine, consistant à dire que Dieu ne peut pas avoir de fils « parce qu’il n’a pas de femme »… Cette objection ignore le caractère analogique de l’idée d’engendrement. Quand le Credo chrétien, après le prologue de Jean, affirme que Dieu a engendré, il ne renvoie pas à une procréation – comme dans les accouplements mythologiques – mais à une émanation interne à la divinité, c’est-à-dire à la procession du Verbe éternel, qui n’est pas un deuxième Dieu, mais une relation interne à l’intérieur de l’Unique.

L’essentiel à comprendre ici est que la pluralité des personnes en Dieu n’est pas contradictoire avec l’unicité divine, mais qu’elle décrit au contraire la cohésion interne, l’intime spiritualité de Dieu. Ce n’est donc pas en s’écartant du monothéisme, en l’assouplissant, que l’on arrive à la Trinité, mais en l’approfondissant, par une connaissance de la vie intérieure du Dieu unique.

Trois dimensions

Une analogie avec l’esprit humain, développée par saint Augustin, peut s’avérer utile : on peut dire en effet que l’esprit divin, étant parfait, doit être conscient de lui-même. Or, pour qu’une conscience parfaitement développée existe, il faut trois éléments : une mémoire, une réflexion sur soi et une affection pour soi-même. Concrètement, être conscient, c’est : demeurer le même, être capable de dire « moi », en se prenant pour objet de sa propre réflexion, être doté d’un sentiment affectif de soi qui assure la cohésion de l’ensemble.

En réfléchissant à la conscience de Dieu, on peut donc supposer qu’elle doit comporter, d’une manière éminente, ces trois aspects : une mémoire, sous la forme d’un fonds originel, une parole intérieure sous la forme d’une expression de soi éternelle, jaillissant continuellement du fonds originel, et un mouvement d’affection de soi éternel, assurant l’unité indissociable du tout.

Ainsi, éternellement, Dieu est, Dieu se connaît, Dieu s’aime. Les trois termes ont le même contenu : l’essence éternelle de Dieu, et ne se distinguent que par leurs relations : la mémoire est première, la parole intérieure provient de la mémoire, et l’amour de soi provient de l’union de la mémoire avec la parole.

Un Dieu vivant

De toute éternité, Dieu est conscient. Donc Dieu comporte, de toute éternité, ces trois dimensions internes. Cela ne fait pas de lui une « triple divinité », mais, tout simplement, un Dieu vivant !