Crise des réfugiés : L'humanisme allemand - France Catholique
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Crise des réfugiés : L’humanisme allemand

L’accueil des réfugiés en Allemagne — qui se dit prête à en accueillir huit cent mille et dont la population se mobilise pour souhaiter la bienvenue — en a stupéfait plus d’un.
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Certains se sont empressés d’opposer l’attitude géné­reuse de Ber­lin aujourd’hui à celle manifestée les mois précédents envers la Grèce. Il y aurait une bonne et une mauvaise Allemagne. Et comme ce sont les mêmes tour à tour, il faudrait donner raison à Nietzsche qui voyait en l’Allemagne « une nation qui continue à se nourrir de contraires avec un appétit digne d’envie et réussit à engloutir sans aucun trouble digestif la « foi » aussi bien que la science, l’ « amour chrétien » en même temps que l’antisémitisme, et la volonté de puissance (la volonté de l’Empire) dans le même plat que l’amour des humbles. » (Ecce Homo, le cas Wagner)

On a entendu autant d’explications : l’Allemagne veut s’imposer à l’Europe, que ce soit sur le domaine de la discipline (budgétaire) ou de la compassion (disciplinée à travers les quotas). L’Allemagne a sauté sur l’occasion d’un emploi à bon marché pour compenser son déficit démographique.

S’il y a en effet des raisons européennes et des raisons allemandes dans la démarche décidée par la Chancelière — et son vice-chancelier, ne l’oublions pas, en situation de coalition, ce qui est encore plus vrai au niveau des Länder et des communes dont ce sujet est le domaine de compétence —, on peut les interpréter tout autrement. Chronologiquement, c’est pour Angela Merkel d’abord un problème allemand, puis en effet un test pour l’Europe. Dans les deux cas il est existentiel. Dans le cas de l’Allemagne, ce n’est pas d’abord un problème démographique mais d’identité. Angela Merkel a personnellement très mal pris les mouvements anti-immigration qui se sont récemment développés : Pegida, initiative anti-musulmane, puis les agitations de caractère néo-nazi en Saxe (où le NPD a obtenu 8 députés en 2014) avec incendie d’un abri pour réfugiés à Heidenau dans la nuit du 21 au 22 août. Elle visite cette petite ville le 26 août. La découverte en Autriche du camion contenant 71 cadavres de migrants date du 27. La Chancelière — précédée par son ministre de l’Intérieur Thomas de Maizière, comme elle originaire de l’Est — prend conscience de ce que serait pour l’Allemagne l’alternative. Dire non à l’accueil des réfugiés, ce serait non seulement trahir le passé des deux Allemagnes, ce serait revenir au pire passé de l’Allemagne soviétique et avant cela nazie.

L’alternative a le nom d’un petit mouvement (AfD) qui s’était constitué pour prôner l’abandon de l’euro et le retour au mark. Or ce parti a abandonné ce thème pour verser dans la haine de l’immigré. Ce qui fait dire à Angela Merkel que le problème des réfugiés est pour les Allemands plus grave et surtout plus existentiel que celui de l’euro et de la Grèce (où elle avait finalement tranché en faveur de l’aide à la Grèce bravant l’opposition de 130 députés de son propre parti).

L’accueil des réfugiés sera ou le prétexte de violences et de ratonnades néo-nazies (une « DunkelDeutschland », selon le mot du président Gauck, une Allemagne sombre) ou la consolidation d’une « Nouvelle Allemagne », celle qui logiquement s’inscrivait dans la logique de l’unification et de l’Europe. L’hebdomadaire Der Spiegel a publié un essai où est même ébauchée l’idée d’une nation allemande arc-en-ciel. Une chance enfin de sortir de l’éternelle question allemande après la fin du triptyque « Kirche Kinder Küche » (Église Enfants Cuisine). L’Allemagne se découvre aimée, enviée, courtisée par les peuples du monde, situation radicalement nouvelle pour elle. Elle se met à y croire. Elle veut ressembler à l’image que l’on a d’elle.

La crise migratoire aurait aussi, selon Angela Merkel, la capacité de restaurer l’idée européenne. Cela voudrait-il dire que les Vingt-Huit devraient accepter de se mettre, avec la France, « à la remorque » de l’Allemagne ? Et après, si c’est pour la bonne cause ? Une Europe fondée sur les droits fondamentaux de la personne, on ne peut l’imaginer impériale ou monarchique. Angela Merkel coiffée d’un casque à pointe et affublée d’une petite moustache est en Allemagne la chancelière tranquille d’une république fédérale pacifique soumise à la règle de droit constitutionnelle, le régime neutre décrit par Jürgen Habermas, le « Nestor des conseils d’Occident » anticipé par Lamartine en 1840, huit ans après la mort du plus grand des Allemands, Goethe. Une vraie république européenne, c’est celle que Goethe représente. Certes, l’Europe idéale de Goethe est morte comme la chrétienté médiévale. Mais quand la politique allemande reprend l’esprit de Goethe, il mérite qu’on fasse un bout de chemin en sa compagnie !