Dire de quelque chose que c’est un miracle, c’est, littéralement, dire seulement que c’est merveilleux, étonnant. Pensons au mot espagnole mirar qui a la même racine. Regardez, voyez et émerveillez-vous! Beaucoup d’événements naturels sont merveilleux : une éclipse, ou qu’un bourdon puisse voler. Et beaucoup d’inventions humaines sont également merveilleuses, comme un iPhone et qu’un avion de ligne de 200 tonnes puisse voler. Ce sont tous des miracles au sens très large de ce mot.
Des êtres humains dans nos natures artistiques, intellectuelles et morales sont capables de quelques exploits assez merveilleux. La mécanique quantique est étonnante, comme l’est la musique de Mozart, comme le fut également l’escalade du Point du Hoc par des commandos américains lors du Débarquement en Normandie. Nous pensons qu’Oskar Schindler fut stupéfiant quand, pendant la persécution nazie, il sauva des juifs (et il le fut) . Au fond toute chose sur laquelle quelqu’un aimerait faire un film doit stupéfier (même la sauce de Sriracha).
Mais, encore une fois, appeler toutes ces réalisations « miracles » serait une façon très imprécise de parler. À côté d’un vrai miracle cela a l’air plutôt idiot.
Qu’est-ce qu’un vrai miracle? Au sens strict, dans un sens précis, un miracle est un changement qui requiert création ou anéantissement. Seul Dieu peut créer et anéantir. Et donc toute oeuvre qui requiert création implique le doigt de Dieu. C’est pourquoi Jésus a appelé ses miracles “des signes”. Ils révélaient Sa nature divine. Mais ce n’était pas seulement que “Dieu était avec lui”. Il ne se contentait pas de prier Dieu, et Dieu faisait un miracle pour lui. Plutôt, sur son ordre, le miracle avait lieu. Et il n’y a que Dieu qui puisse faire cela. C’est pourquoi la foi du centurion était si impressionnante (Mt 8:8). Il avait confiance que Jésus par sa simple parole pourrait guérir son serviteur.
Peut-être avez-vous remarqué qu’une définition correcte d’un miracle n’implique pas qu’il soit merveilleux, au sens de visiblement étonnant. Tout acte de consécration dans une messe implique un miracle. C’est pourquoi avant la sainte communion nous prenons comme nôtres les mots du centurion (et il n’est pas bon d’employer une forme plus littérale, comme dans la plus récente traduction de la messe). Nous confessons avec lui que le Seigneur par sa seule parole, par l’intermédiaire du prêtre, peut faire un miracle. Mais ce n’est pas un miracle visible. Ce qui n’est pas visible fait réellement partie du miracle.
Les péchés du paralytique descendu par le toit ont été effacés. Cela non plus n’était pas visible. C’était le miracle « le plus difficile », dit le Seigneur. Mais comme une concession, pour donner un signe que ce plus grand miracle avait eu lieu, Jésus le rendit capable de marcher (Mc 2 :1-12).
Peut-être avez-vous aussi remarqué qu’un vrai miracle n’a pas besoin d’être rare. (Bien qu’on puisse dire que les catholiques font du miracle du pardon des péchés au confessionnal quelque chose de beaucoup plus rare qu’il ne devrait l’être).
La multiplication des pains et des poissons perd son sens quand des clercs dans leurs homélies, ou des laïcs dans leurs divagations, la décrivent comme un acte de simple partage, inspiré par Jésus. Partager n’est pas quelque chose de stupéfiant même en prenant le mot « miracle » dans le sens le plus large. Les gens dans une situation pénible se rassemblent et mettent en commun leurs ressources – rien d’étonnant à cela.
L’interprétation moderne par le partage implique une mauvaise et grossière lecture de l’Écriture, à quatre points de vue très importants. Le premier : les rédacteurs de l’Évangile spécifient que la foule mangea la nourriture qui avait été placée devant eux par Jésus, non pas quelque autre nourriture, et pas non plus leur propres provisions. Jean est très clair sur ce point : les gens prirent autant qu’ils le désiraient de ces pains et ces poissons précisément que Jésus leur avait donnés.
Le deuxième : le miracle impliquait création parce que, comme pour prouver cette réalité, le nombre de morceaux qui restaient après le repas dépassait même ce qui avait été donné au commencement. Cela devait tenir dans un seul panier et pourtant les disciples ramassèrent douze paniers de morceaux (Mc 6:43). Ces morceaux sont explicitement décrits comme ceux qui restaient (au-delà des besoins) de ce qui leur avait été donné par Jésus (Jn 6:12), et non qui faisaient partie de leurs propres provisions ou de celles de quelqu’un d’autre. C’est très important pour l’histoire que la surabondance soit attribuée précisément à la nourriture fournie par Notre Seigneur.
Le troisième : l’interprétation par le partage n’explique pas pourquoi le peuple crut que Jésus s’était révélé comme un autre Moïse et réagit en voulant en faire un roi. Malgré ce que les partisans d’Obama ou de Bernie pourraient imaginer, nous ne voulons pas couronner les gens et en faire des rois parce qu’ils nous inspirent le partage. Et Moïse n’a pas inspiré le partage. Il a appelé à descendre du ciel la manne, qui apparaissait chaque matin comme un don gratuit. Les gens ont reconnu un miracle lorsqu’ils l’ont vu.
Le quatrième, et peut-être le plus important : l’interprétation par le partage est complètement en contradiction avec l’interprétation propre que fait Notre Seigneur de l’événement. Bien que le miracle impliquât pain ordinaire et poisson, il a reproché au people d’interpréter l’événement comme concernant la nourriture matérielle (Jn 6:26). Il a insisté en disant qu’il l’avait fait comme un signe de quelque chose d’autre. De quoi? Du pain véritable qui vient du ciel, et qui est tel que celui qui en mange ne mourra jamais (6:50). C’était Sa propre chair et sang, dit-il (6:53).
Rien de plus clair pour nous aujourd’hui : Jésus, en disant cette chose étrange, faisait référence à l’eucharistie, sur laquelle l’Église a médité pendant 2000 ans et qui nous est offerte à chaque messe.
Que peut-on dire de l’aveuglement et de la surdité d’un saint prêtre de Jésus-Christ – au moment de faire un miracle en changeant pain et vin en chair et sang du Seigneur, l’offrir aux disciples du Seigneur, leur donner le pain de vie – qui lit à sa congrégation le passage de l’Évangile sur les pains et les poissons et néglige ensuite complètement d’examiner le vrai miracle ?
Ignorant le véritable but de sa vie, il nous dit qu’il s’agit de remplir nos ventres.