Dominique Strauss-Kahn a été arrêté — le 14 mai à bord de l’avion qui devait le ramener en France — par la police de New York et présenté à un juge. Une femme de chambre de l’hôtel où il était quelques heures auparavant, l’accuse de tentative de viol…
Martine Aubry a aussitôt défini cette effroyable affaire comme « un véritable coup de tonnerre », l’expression qu’avait employée Lionel Jospin au soir de sa défaite du 21 avril 2002. Mais la dimension de l’événement ne concerne pas seulement la situation du Parti socialiste, elle atteint la réputation de la France dans le monde à cause des responsabilités de l’intéressé au Fonds monétaire international. Enfin l’aspect sexuel du scandale souligne — notamment d’un point de vue anglo-saxon où le tabou du sexe reste très présent — la fragilité des symboles les plus forts de notre modernité. Il y a quelques jours seulement, Dominique Strauss-Kahn apparaissait comme le présidentiable le plus fiable de la prochaine échéance électorale française. Sa réputation de politique avisé, de gestionnaire compétent, voire de réformateur génial lui conférait la prééminence dans les sondages. N’était-il pas le symbole même de la réussite totale, avec les aspects très concrets d’une aisance matérielle qui placent au sommet de la jet-société, mais qui contreviennent au tabou — bien latin cette fois-ci — de l’argent ?
Tout cela se trouverait fracassé par un fait divers pitoyable et atroce. Bien sûr, les garanties de la justice doivent être assurées pour la défense d’un homme qui proclame son innocence. Mais la plaignante, qui crie qu’elle a été agressée, doit être elle aussi respectée. L’hypothèse d’un coup monté par la jeune femme [la presse américaine nous la présente comme étant une employée sans histoire, d’origine sénégalaise et mère-célibataire d’une fille de 10 ans, mais les avocats de DSK cherchent à prouver qu’elle aurait eu un intérêt matériel à porter plainte et affirment que DSK a un alibi], traverse l’esprit, et pas seulement celui des amis de l’accusé, mais elle est aussi susceptible d’être contredite comme diffamatoire. Il convient donc de laisser la procédure judiciaire se dérouler, selon les normes américaines, afin de parvenir à des conclusions équitables. Mais nous n’échapperons pas au climat pesant qui correspond à un pareil drame et qui accompagnera fortement la politique française dans les prochains mois.
Cette événement judiciaire intervient dans un contexte européen et international particulièrement tendu. DSK devait à nouveau intervenir auprès des autorités d’Athènes pour régler le dossier d’une dette abyssale, tandis que l’Europe et les États-Unis vivent dans l’incertitude de leur avenir économique le plus proche. DSK était le rouage d’un système qui se grippe et sa chute n’en est que plus inquiétante.
Pour aller plus loin :
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Bulletin Acip n° 1187 du lundi 21 avril 2008
- La valse à trois temps - Ou la manipulation des élections présidentielles de 2017
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Bulletin de l'Acip n°1131 (DR)