La situation de guerre civile qui règne en ce moment à Abidjan et dans le reste de la Côte d’Ivoire ne peut qu’attrister profondément tous ceux qui sont attachés à ce pays, autrefois modèle de l’Afrique. J’y ai séjourné il y a bien longtemps, alors que l’on parlait du « miracle ivoirien » pour évoquer l’essor économique d’une nation qui attirait une multitude de ressortissants étrangers, et d’abord français. La direction était fermement assumée par celui que tout le monde appelait « le Vieux », Felix Houphouët Boigny, père de l’indépendance, ancien ministre du gouvernement français comme son homologue sénégalais Léopold Sédar Senghor. On admirait la perle de la lagune et le quartier ultra moderne de Cocody. C’était même un éblouissement lorsqu’on venait d’un pays voisin, écrasé par la pauvreté.
Déjà, on s’interrogeait sur l’après Houphouët. La disparition du sage de l’Afrique serait-elle suivie d’une période de convulsion, où les factions se déchireraient ? Hélas, on sait ce qui est advenu. L’actuel face à face entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara laisse planer la menace d’un embrasement général, préfiguré par les premiers accrochages sanglants d’Abidjan. Que peut faire la pression de l’ONU et de l’ensemble de la communauté internationale, alors que la règle du jeu majoritaire n’est pas acceptée par une moitié du pays ? Il est vain d’en appeler aux lois de la démocratie dès lors que celles-ci ne font pas l’objet d’un consensus général et que l’unité profonde du pays n’est pas assurée. Au-delà du cas d’un homme, Laurent Gbagbo, il y a une division profonde qui ne paraît pas pouvoir, a vue humaine, être surmontée. Avant même l’acceptation de la règle de la majorité se pose celle de l’unité d’un pays. Il reste à espérer que les hommes responsables puissent envisager une réconciliation pour faire fuir le spectre de la guerre civile. Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara pourront-ils s’entendre afin de sauver leur peuple ? C’est la question essentielle.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 20 décembre 2010