Contourner la souffrance fœtale - France Catholique
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Contourner la souffrance fœtale

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Il y a quelques semaines, nous avons reçu des nouvelles profondément décevantes au sein du mouvement pro-vie. La Cour Suprême a refusé de réviser la décision d’une cour d’appel qui a annulé la loi d’Arizona interdisant l’avortement après 20 semaines.

Cela ne signifie pas que la cour ne soutiendra pas une loi de ce type passée dans un autre Etat. Pour accorder le certiorari ou réviser une affaire, il faut le vote de quatre juges, et il y a quatre voix fermement pro-vie dans cette Cour. Cela veut dire que un, deux ou même plus des juges pro-vie pensaient que ce n’était pas le moment d’examiner cette loi avec leurs collègues.

Les raisons pour lesquelles ils devaient s’abstenir sont un choc sérieux qui doit nous conduire à réexaminer cette loi et peut-être découvrir les difficultés qu’ont remarqué les juges pro-vie.

Depuis plusieurs années, il y a la perspective d’un projet de loi fédérale pour exclure les avortements après 20 semaines, et ce modèle a été repris tel quel par les Etats. Ce qui a porté ces projets de loi a été le dessein d’interdire l’avortement au moment où même le plus ardent partisan de l’avortement ne peut nier que le foetus ressent la souffrance.

La limite des vingt semaines est en elle-même plutôt rétrograde, car il y a de bonnes raisons de penser que la progéniture dans le sein maternel peut ressentir la douleur bien plus tôt. Déjà en 1985, la commission judiciaire du Sénat a tenu des audiences sur la souffrance foetale. Deux professeurs de l’école de médecine de Yale ont argué que le foetus n’était pas capable de ressentir la douleur avant un stade avancé de la grossesse et un fort développement du cortex cérébral. Mais cette vision fut réfutée de façon décisive par Daniel Robinson, qui enseignait alors la psychologie et la neurologie à Georgetown.

Comme Robinson l’a fait remarquer :

Aucune des aires actuellement connues pour être impliquées dans la perception et la transmission de la souffrance n’inclut le cortex cérébral. Toutes sont sous-corticales, les principales étant le thalamus et la matière grise.

Reconnaître que la réaction à la douleur est réflexe n’amoindrit pas l’argument : « si vous posez la main sur un objet porté au rouge, vous n’allez pas lancer un raisonnement construit pour trouver la réponse appropriée ».

Mais Robinson a aussi mis en évidence, à ce moment-là, l’objection morale à priver de vie un innocent, « quand bien même des méthodes sans douleur seraient mises en place ».

Ce point a toujours été très clair pour les défenseurs de la vie. Et il a été très clair également que la principale raison pour l’urgence de ces projets de loi est que la souffrance infligée au bébé est considérée avec une sereine indifférence par les partisans de l’avortement.

Quand le projet de loi fédérale contre l’avortement par naissance partielle 1 a été plaidé à New-York, le juge Richard Casey Conway a posé cette question au professeur Kanwaljeet S. Anand, professeur d’anesthésiologie déposant contre le projet de loi : avait-il jamais pensé à administrer un anesthésique à l’enfant tué de cette façon ? Après tout, l’enfant remuait dans le vagin, agitant les pieds, jusqu’à ce que sa tête soit perforée et son cerveau aspiré.

Sûrement, personne ne douterait qu’un enfant, dans ces conditions, n’éprouve une douleur atroce. Mais le professeur fût désarçonné par la question. La question ne s’était jamais posée, parce que l’enfant ne comptait pas dans la décision, et ses souffrances encore moins. Ainsi, cela n’a pas été d’une petite utilité que ces projets de loi poussent ceux de l’autre camp à reconnaître qu’ils agissaient sur de vraies victimes, ressentant de vraies souffrances.

Dans d’autres circonstances, cela a suffit pour inspirer de la compassion pour des animaux et pour les protéger d’une mise à mort gratuitement douloureuse. Il est à remarquer que la même compassion ne s’est jamais manifestée pour ces petits animaux que sont les bébé humains.

Mais alors, pourquoi quatre juges pro-vie de la Cour Suprême ne voudraient-ils pas voter pour réviser la loi ? Selon mon hypothèse, ils doivent probablement avoir craint que le Juge Anthony Kennedy, le juge qui fait basculer le scrutin, puisse prendre cette ligne de conduite : une législation qui restreint un « droit constitutionnel » doit être « sévèrement encadrée » et l’avortement est maintenant un « droit » profondément constitutionnel.

Il pourrait prétendre que si la préoccupation était vraiment la souffrance, le conseil législatif aurait dû traiter le problème de la souffrance sans empêcher l’avortement. Il lui aurait suffit d’exiger l’administration d’un anesthésique.

Après que la Cour Suprême, avec John Roberts et Samuel Alito, ait confirmé la loi sur l’avortement par naissance partielle, il semblait tout à fait plausible qu’elle puisse soutenir une loi de ce genre, marquée par la prise en compte de la souffrance foetale. Et elle le pourrait toujours. Mais entretemps, d’autres leçons peuvent être tirées : les pro-vie vont tenter d’exclure certaines formes d’avortement en vue de préparer le terrain pour d’autres restrictions à venir.

Mais nous sommes aussi préoccupés du fait que, si nous faisons interdire les avortements à dater du seuil de viabilité, ou au delà d’une date ultérieure de la grossesse, nous renforçons l’hypothèse désinvolte que le bébé est à ce moment, d’une manière ou d’une autre, plus « humain ». Le seuil de prudence pour nous est que les pro-vie se concentrent sur les types de restrictions à l’avortement qui ne puissent être séparés d’une reconnaissance de la nature de l’enfant que nous cherchons à protéger.

Nous nous opposions à la souffrance, mais le professeur Robinson avait raison : nous serions tout autant opposés à l’avortement si un anesthésique était administré.

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/the-supreme-court-evading-fetal-pain.html

Photo : foetus à la 9e semaine.

http://www.aly-abbara.com/livre_gyn_obs/termes/embryon_foetus.html


Hadley Arkes est professeur de jurisprudence à Amherst College.
illustration : échographie d’un foetus de 19 semaines.

  1. NDT : un type d’avortement particulièrement atroce pratiqué après 3 mois de grossesse. Après avoir réalisé artificiellement la dilatation du col, le praticien saisit l’enfant par les pieds pour l’extraire, ne laissant que la tête dans l’utérus. Si la tête sortait, l’enfant serait considéré comme né et ce serait alors un infanticide. Le praticien introduit alors la pointe de ciseaux dans la boîte crânienne pour réduire le cerveau en bouillie avant de l’aspirer avec une canule. La Cour Suprême a ratifié l’interdiction de cette méthode d’avortement le 18 avril 2007