Continuer à jouer du violon pendant que la maison brûle - France Catholique
Edit Template
« Ô Marie conçue sans péché »
Edit Template

Continuer à jouer du violon pendant que la maison brûle

Copier le lien

La semaine dernière un important magazine italien, Famiglia Cristiana, a placé en couverture la photo de Matteo Salvini, le chef d’un des deux principaux partis qui aujourd’hui dirigent ensemble le gouvernement italien. Les deux partis – l’un à droite, l’autre à gauche (en réalité, une création vaguement anarchique du comédien Grillo Beppo) – plaident pour un contrôle sévère de l’immigration. Comme le font la majorité des Italiens et des peuples dans d’autres pays d’Europe où l’immigration illégale est devenue envahissante. Pour cela, Salvini – catholique déclaré – a été comparé à Satan dans un gros titre accusateur : « Passe derrière moi, Salvini. »

Il ne s’agit pas d’une attaque personnelle ou idéologique, dit la couverture. « C’est une question d’Evangile. »

On nous excusera de penser que c’est plutôt, de la part de l’hebdomadaire catholique, un profond manque de sérieux. Il devrait mieux savoir, que c’est exactement le même manque de sérieux qui continue, précisément maintenant , à détourner de larges parties de l’Eglise d’une chose, elle, diaboliquement sérieuse – et contraire à l’Evangile.

Comme d’autres questions politiques, les immigrants et les réfugiés présentent un sérieux problème pour lequel plusieurs approches chrétiennes différentes sont parfaitement compatibles avec l’Evangile. Vous pouvez, comme le pape François l’a fait, avancer que nous avons une obligation d’accepter autant de réfugiés que nous le pouvons, avec prudence (c’est son mot).

Et, par le même principe, vous pouvez trouver prudent – si votre pays est inondé – de chercher d’autres moyens de résoudre la crise, comme quelques gouvernements européens sont déjà en train de le faire en aidant les pays à créer des opportunités pour retenir leurs propre jeunesse (c’est-à-dire leur avenir). Et à prévenir des traversées de la Méditerranée dangereuses et illégales.

Dans les deux cas, vous vous impliquez dans une réflexion politique, et non dans une opposition diabolique à l’Evangile.

Vous voulez du diabolique? Comme beaucoup d’entre nous l’ont dit depuis des décennies, des hommes politiques catholiques du monde entier ont accepté de permettre le meurtre direct d’innocents dans l’avortement et l’euthanasie. Un catholique américain, le vice-président Joe Biden, a de fait célébré en 2016 un « mariage » entre deux hommes – ce qui semble avoir été sa manière de défier les évêques américains de faire quelque chose. Ils ne l’ont pas fait.

D’une façon ou d’une autre ces personnalités ne semblent jamais apparaître sur les couvertures de publications catholiques influentes, accompagnées de titres suggérant qu’elles font le travail de Satan. Et nous n’avons pas vraiment pris encore la mesure de ces évêques passifs qui ont détourné les yeux quand leurs collègues ont été accusés de couvrir d’horribles abus sexuels et, dans certains cas, – de façon démoniaque – ont perpétré eux-mêmes de tels actes.

Il sera vraiment intéressant de voir si le cardinal Mc Carrick ou tous ces diaboliques malfaiteurs au Chili et au Honduras, en Amérique et à Rome − et beaucoup de cas sont encore à venir − sont publiquement condamnés dans les publications catholiques alors que nous venons à connaître l’importance d’un élément mortel à l’intérieur de l’Eglise.

Les protestations d’innocence ne vont pas longtemps suffire, pas plus que les protections du l’old-boy network. Prenez le cas du cardinal Kevin Farrell, un temps évêque auxiliaire à Washington, qui déclare, de façon peu crédible, n’avoir rien su d’irrégulier sur Mc Carrick avec lequel il a vécu six ans.
Peut-être veut-il dire qu’il n’a pas su les cas spécifiques : les règlements payés à deux hommes, ou la victime mineure qui s’est présentée. Mais la maison sur la plage, les tripotages au séminaire. Il ne savait pas ce dont tous les autres avaient entendu parler ?

Cela paraît hautement invraisemblable, bien que ce soit possible, tout juste. Et si c’est le cas – un gros « si » – le cardinal Farrell lui-même peut maintenant devenir la victime des mauvaises actions de Mc Carrick. Farrell sera l’un des orateurs à la Rencontre mondiale des familles à Dublin, à la fin de ce mois [Je serai aussi présent pour parler à l’occasion d’une autre rencontre organisé par Lumen Fidei. Nous rendrons compte ici à TCT de ces deux événements]. Qu’il soit blâmable ou non, sa crédibilité comme chef du nouveau Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie a été mise à mal. Et elle ne sera pas restaurée à moins qu’il y ait une enquête minutieuse sur ce que lui et les autres savaient – et ne savaient pas.

Et c’est la même chose aujourd’hui pout beaucoup d’Eglises dans le monde.
La rencontre de Dublin a lieu à un moment où l’Eglise s’engage dans une voie bien sombre. Le scandale atteint les plus hauts niveaux du Vatican. Le cardinal chilien Francisco Javier Errazunz Ossa, un membre du proche conseil de neuf cardinaux du pape, peut – comme Mc Carrick – avoir à démissionner car les autorités civiles le poursuivent pour avoir couvert un abus sexuel. Une commission chilienne menace de retirer la nationalité à son successeur, le cardinal Ricardo Ezzati Andrello, un Italien qui a reçu la nationalité chilienne i l ya dix ans.

t tout ceci n’est que le début de ce qui inévitablement va entraîner une vague d’accusations et d’enquêtes dans beaucoup d’endroits, y compris au Vatican, maintenant que le processus a été engagé.

Le pape François a mal géré la situation chilienne, mais on ne peut le blâmer pour cette crise qui s’étend et remonte aux décennies antérieures. Saint Jean Paul II et le pape Benoît ont essayé de prendre l’affaire en main – Benoît a laïcisé 400 prêtres – mais ils ont aussi échoué de différentes manières. Les divisons actuelles de l’Eglise sur l’initiative du pape ne devraient pas nous conduire à perdre du temps et de l’énergie à distribuer des blâmes. Ce qu’il nous faut, c’est une action rapide, large, en profondeur et un soutien du pape dans toutes les décisions heureuses qu’il prend.

On ne le verra pas, mais l’Eglise ferait bien d’annuler la rencontre de Dublin et d’organiser à la place une procession de deux jours en pénitence publique pour ce qui est arrivé aussi en Irlande. Et en faire quelque chose d’annuel. Et pendant que nous y sommes, au lieu de discuter sur les LGBT et les différentes « formes de famille » à Dublin et au prochain Synode de la jeunesse d’octobre, l’Eglise devrait suspendre l’examen de ces questions et procéder d’abord au nettoyage de sa propre maison.

La mission de l’Eglise est sainteté ce qui n’exclut pas l’engagement social, bien sîr, puisque solidarité et amour du prochain sont comme le premier commandement : aimer le Seigneur. Mais il va falloir apurer les comptes. Il est absurde de l’ignorer.

2 août 2018

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/08/02/more-fiddling-while-the-house-is-burning/

Dr. Robert Royal est rédacteur en chef de The Catholic Thing et président de l’Institut Foi et Raison à Washington, D.C. Son dernier livre est A Deeper Vision: The Catholic Intellectual Tradition in the Twentieth Century, (Ignatius Press). The God That Did Not Fail: How Religion Built and Sustains the West, disponible en poche ( Encounter Books).