Sans partager ses idées, tant s’en faut, on peut au moins reconnaître à Jean-Luc Mélenchon une culture certaine, avec le sens de la formule. En dénonçant le caractère « inhumain » de l’interdiction du culte durant le confinement, sous prétexte sanitaire, le chef de La France insoumise l’a encore prouvé lors du débat sur le sujet à l’Assemblée. Habituellement fervent partisan d’une laïcité restrictive – beaucoup moins quand il s’agit de l’islam – on a vu ce même député défendre cette fois la liberté de culte, avec d’autres, et surtout ajouter que celle-ci est « consubstantielle à la liberté de conscience ».
Sans méconnaître la part du calcul politique, serait-ce inopportun de voir dans ce revirement une conséquence inattendue du drame de Nice, une semaine plus tôt, qui a frappé l’opinion par la mort violente de trois chrétiens assassinés dans une église… ?
Une vérité profonde
Quoi qu’il en soit, l’emploi de ce mot « consubstantiel » est tout sauf anodin. Il permet de souligner que ce n’est pas seulement l’incohérence d’une politique qui est dénoncée – pourquoi le supermarché et pas l’église ? Mais aussi le principe même qui a été touché, une vérité profonde de la nature humaine, qui inclut le droit pour chacun de croire en Dieu – ou de ne pas croire. Droit reconnu dans le corpus législatif français, notamment par la loi de 1905 : « La République assure la liberté de conscience » (article 1er).
Mais il y a plus. Il faut rendre à Dieu ce qui lui revient. Le terme « consubstantiel » emprunte avant tout au vocabulaire religieux, et renvoie à un article essentiel du Credo. Depuis des décennies, nous prononçons chaque dimanche à la messe l’expression « de même nature » que le Père, beaucoup plus imprécise, pour parler du Fils de Dieu. Signe de l’importance de ce « consubstantiel », l’Église a décidé de le remettre à l’honneur dans la proclamation de la foi catholique – hélas pas avant 2021.
Car ce qui est véritablement en jeu avec ce mot, ce n’est rien moins que le cœur de la foi : Jésus-Christ vrai Dieu et vrai homme. C’est le mystère que nous révérons à la messe, dans le sacrifice eucharistique. C’est ce qui fait du culte catholique quelque chose d’unique dans le paysage multi-religieux d’aujourd’hui, et qui ne peut être réduit à une simple réunion de fidèles.
Avant d’être un lieu de prière, l’église est en effet d’abord la « maison de Dieu », là où Il réside, dans le tabernacle où sont gardées les hosties consacrées. Et c’est pourquoi toute profanation de ce lieu sacré, comme à Nice, conduit à une cérémonie de réparation de l’offense commise à l’égard de Dieu.
Consubstantiel. On mesure mal, aujourd’hui, combien d’homériques batailles ont été livrées au IVe siècle, lors de la définition de ce mot au concile de Nicée, pour affirmer cette vérité de foi contre l’hérésie arienne qui niait la divinité du Christ. Signe que les temps n’ont pas beaucoup changé et que le culte catholique continue d’attirer contre lui contradictions et oppositions…
Décidément, la croix est bien consubstantielle à la foi.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- La République laïque et la prévention de l’enrôlement des jeunes par l’État islamique - sommes-nous démunis ? Plaidoyer pour une laïcité distincte
- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.
- 3101-Sarkozy, l'Eglise, la laïcité
- Édouard de Castelnau