Confusions sur le genre, d’inspiration cartésienne - France Catholique
Edit Template
La justice de Dieu
Edit Template

Confusions sur le genre, d’inspiration cartésienne

Copier le lien

En Août, le gouverneur de Californie a signé un acte qui stipulait que : « Un écolier sera autorisé à participer à des programmes et des activités scolaires non mixtes, équipes d’athlétisme, et compétitions inclues, et à en utiliser les équipements correspondant à leur ‘ identité de genre’ , sans tenir compte du genre inscrit sur le dossier de l’élève ».

Le gouvernement fédéral aussi est en train de réfléchir à une loi qui répond au sigle ENDA, et qui rendrait illégal pour n’importe quelle organisation d’ « établir une discrimination contre un individu… à cause de son orientation sexuelle avérée ou supposée, ou de son ‘identité de genre’ » – « identité de genre » se définit (au cas où vous vous poseriez la question), par « l’identité liée au sexe, à l’apparence, ou aux particularités de comportement, ou toutes autres caractéristiques liées au sexe d’un individu, avec ou sans considération pour le sexe de cet individu à la naissance ».

En d’autres termes, si, en tant que femme, vous préfériez avoir une femme comme infirmière pour vous aider à vous habiller ou à vous laver à l’hôpital, et si l’hôpital avait un infirmier qui se prétendait femme, eh bien, ce serait violer la loi que de refuser que cet infirmier vous soit attribué, en dépit de vos souhaits personnels. Ses droits doivent être protégés. Les vôtres, en tant que « femme par l’identité de genre », et patiente de l’hôpital, ne le sont pas tellement.

Bien sûr, il y a de bonnes choses dans l’interdiction de certaines formes de discrimination (et bien sûr toute formes de violence) contre ceux qui s’engagent dans ce que l’on appelait les « travestis », (et que beaucoup d’entre eux appellent encore ainsi). Comme le suggère Saint Thomas d’Aquin, essayer d’imposer des lois contre tous les comportements que nous considérons comme « immoraux », apporterait plus de désordres que de justice.

Encore une fois, en ce qui concerne le « genre », il semble que l’on se soit laissé aller à une certaine ..disons,..confusion. Et je ne peux pas m’empêcher de penser que cette confusion prend en partie racine dans le dualisme corps – esprit qui a été introduit dans notre culture avec la philosophie de René Descartes.

Jean Paul II a vu plus clairement que la plupart des gens comment tant de pathologies, dans la culture moderne, pouvaient être attribuées à des notions erronées sur la personne humaine : L’homme n’étant rien d’autre qu’un être de matérialisme économique (comme dans le marxisme) ou n’étant rien de plus qu’un moyen rationnel de maximiser son propre intérêt (comme pour certains capitalistes contemporains du laissez faire ), ou encore un produit de forces pulsionnelles de l’évolution (comme certaines propositions de la théorie de Darwin). Aucune de ces théories n’est totalement fausse ; La question est de savoir s’il y en a une qui rende un compte parfaitement juste et complet de la personne humaine.

Il en est de même de nos confusions courantes à propos du « genre ». Non seulement elles reposent sur une image incomplète de la personne humaine, en la prétendant essentiellement « individualiste » et radicalement « autonome » par rapport à autrui. Elles sont également basées sur une confusion cartésienne à propos de l’unité fondamentale entre le corps et l’esprit.

Le résultat est qu’on trouve d’un côté ceux qui proclament que le genre se réduit à l’aspect corporel. Les attributs mâles veulent dire qu’on est un garçon, les attributs femelles, qu’on est une fille. Il suffit d’interroger la sage-femme.
La réponse habituelle à cette vision des choses est de signaler l’existence d’hermaphrodites qui ont les attributs des deux sexes. Que peut-on en dire ? Et que peut-on dire des hommes ou des femmes qui perdent tragiquement leurs attributs féminins ou masculins. Dira-t-on à un homme qui a été émasculé par une bombe en Afghanistan qu’il est moins un homme ? Ou à une femme qui a perdu ses seins lors d’une mammectomie totale qu’elle est moins femme ? Cela paraît aussi faux que de dire qu’un soldat qui revient de la guerre sans jambes ou sans bras est moins humain. Notre humanité est incarnée, mais transcende aussi la corporéité de manière importante.

On pourrait vérifier les chromosomes, mais est-ce que l’on peut réduire à ces petits marqueurs ce que veut dire « être un homme ou une femme » ?
Certains répondent à ces défis en affirmant que le corps n’a absolument rien à voir avec le genre – que le genre n’est rien d’autre qu’une construction culturelle. La seule question que se posent ceux-là est : qui va se charger de la construction ? Ne devrait-on pas permettre aux individus de « construire librement leur propre identité de genre », plutôt que de leur imposer notre système habituel de rôles d’un genre culturellement construit ?

Il y a quelque chose de vrai dans cette vision qui dit qu’un certain nombre de nos attentes en ce qui concerne les rôles de genre sont une construction sociale. Quand les romains et les écossais portaient des jupes courtes, personne ne s’est plaint – en tous cas pas de la manière dont mon patron se plaindrait si j’arrivais au travail en jupe ! (totale révélation : ne vous inquiétez pas) Mais tout ce qui concerne le genre est-il ainsi construit ?

C’est un sujet sur lequel j’aurai encore beaucoup à dire à l’avenir. Mais pour le moment, je voudrais juste insister sur ce point : combien notre débat est cartésien. D’un côté on insiste sur le fait que seul le corps détermine le genre, de l’autre, que le genre n’est qu’une construction de l’esprit, sans que le corps y ait la moindre part. Si je pense que je suis un homme, je suis un homme. Si je pense que je suis une femme, je suis une femme. Mais le lien entre le corps et l’esprit est-il vraiment aussi insignifiant, aussi accidentel, et n’a-t-il vraiment aucun sens comme chacune des deux opinions semble le supposer.

Dans notre société il y a bien sûr des personnes qui traitent les malades destinés à de graves opérations comme s’ils n’étaient que de la viande, une collection de morceaux de chair, et qui ignorent les dimensions émotionnelles et spirituelles de toute personne humaine. D’autres répondent à ce problème en s’engageant dans des thérapies soi-disant « holistiques » qui revendiquent de mettre l’accent sur le « spirituel » souvent avec très peu, sinon aucun appui sur la sagesse cruciale que révèlent les sciences à propos de la vraie nature du corps humain.
La sagesse ne suggère-t-elle pas qu’il manque quelque chose des deux côtés ?
Cela vaut la peine d’y réfléchir encore un peu.


Randall Smith est Professeur à l’université Saint Thomas

http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/cartesian-inspired-gender-confusions.html

Photo par Ulric Collette.