Les événements survenus durant la nuit du Nouvel an, et pas seulement à Cologne en Allemagne, n’ont pas contribué à simplifier la crise migratoire qui s’est emparée de l’Europe, en s’aggravant, tout au long de 2015. Les autorités politiques, tout comme les médias, se sont montrés embarrassés par le scandale de ces agressions sexuelles à l’égard des femmes. Fallait-il délibérément dissimuler leurs gravité à l’opinion, pour prévenir tout risque d’exploitation à l’encontre des immigrés ? Mais la rétention d’informations aussi lourdes suscite un autre scandale, qui ne fait qu’attiser les craintes et les suspicions. Angela Merkel, qui avait si généreusement ouvert les bras à des centaines de milliers de réfugiés, est contrainte de prendre des mesures de précaution, et il est déjà avéré que les flux d’arrivants vont être plus sévèrement contrôlés et même réduits dans de grandes proportions. Un peu partout en Europe, même dans la très accueillante Suède, les frontières se referment.
Face à cette réalité, le Pape n’en persiste pas moins à rappeler l’impératif évangélique de l’assistance aux personnes en détresse, mais il tient compte aussi de différents paramètres qui s’imposent aux politiques responsables. Ainsi, devant le Corps diplomatique réuni pour les vœux traditionnels du Saint-Siège, a-t-il insisté sur « le juste équilibre entre le double devoir moral de protéger les droits de ses propres citoyens et celui de garantir l’assistance et l’accueil aux migrants. » Impossible, en effet, au chef de l’Église catholique de faire l’impasse sur « les possibilités réelles de réception et d’adaptation des personnes, sur la modification de la structure culturelle et sociale des pays d’accueil, comme aussi le remodelage de certains équilibres géopolitiques régionaux », sans oublier les craintes justifiées par le terrorisme désormais menaçant.
Ne sommes-nous pas là en présence de ce que les moralistes appellent « un conflit de devoirs » extrêmement difficile à dénouer ? Il n’y a pas que des impératifs catégoriques en morale sociale, il y a toute l’épaisseur des déterminismes géopolitiques, des équilibres à respecter, des droits contradictoires à concilier. Et puis il y a la dimension internationale, voire mondiale de cette crise, qui doit être traitée avec les moyens appropriés d’une négociation dont dépend la paix, surtout dans les régions qui sont à l’origine de cette hémorragie migratoire.