Les conférences de Notre-Dame de Paris ont abordé, hier, une autre étape de l’étude du Concile Vatican II, avec un retour sur la Constitution Dei Verbum. Il s’agit là d’un texte extrêmement important, dont pourtant on parle très peu à propos du Concile, ce qui pourrait d’ailleurs expliquer certaines méprises. Si l’Eglise a voulu accomplir ce que Jean XXIII appelait son aggiornamento – un mot difficile à traduire exactement en français: sa mise à jour, son renouvellement – ce n’est pas pour se mettre en accord avec les idéologies dominantes du monde moderne, même si c’est pour mieux comprendre ce monde et y exercer sa mission. C’est d’abord pour mieux envisager sa propre mission et être capable de l’exercer avec plus de vérité et de fidélité encore. D’où l’importance de la réflexion sur ce qu’on appelle généralement: la Révélation. L’Eglise ne s’est pas construite elle-même, elle n’a pas créé son propre système de référence. Elle se reçoit toute entière de l’Esprit Saint pour annoncer une parole qui s’intitule explicitement « Parole de Dieu », Dei Verbum!
Les deux conférenciers de Dimanche, le Père Denis Dupont-Fauville et le Frère Enzo Bianchi y ont insisté tous les deux: contrairement à une idée très répandue, le christianisme n’est pas une religion du Livre comme l’est l’islam avec le Coran. C’est une religion de la Parole, et cette parole s’appelle le Verbe de Dieu, c’est-à-dire Jésus-Christ. Cela est de portée considérable pour comprendre la réception de la Révélation par les chrétiens. Loin de toute attitude fondamentaliste – ce qui est la tentation de la religion dite du Livre – la parole du Dieu vivant est incarnée en Jésus-Christ, s’offre à nous comme une véritable nourriture qui nous fait vivre, préalablement à toute étude savante des textes. Celle-ci n’est évidemment pas exclue, bien au contraire, et le Concile à son endroit nous donne de précieuses lumières. Mais elle s’offre d’abord à nous comme lectio divina, c’est-à-dire lecture personnelle et savoureuse de la parole, qui permet d’entrer dans l’intimité divine. Et le critère de discernement n’est pas d’abord la science exégétique, en dépit de tout ce qu’elle nous apporte, mais la foi. Le Frère Enzo Bianchi y a insisté: « La foi est le véritable critère d’interprétation des écritures, lesquelles ont été rédigées et composées à partir de la foi dans le Dieu qui agit dans le monde, qui intervient dans l’histoire, et qui a révélé son visage définitif en Christ. »
Ce n’est pas fortuitement que le prieur d’une communauté œcuménique comme le frère Bianchi a été appelé à Notre-Dame pour traiter un tel sujet, qui a longtemps fait controverse entre catholiques et protestants. Non d’ailleurs que toutes les difficultés aient été levées avec Vatican II. L’approfondissement réalisé par les Pères conciliaires a permis de lever certains obstacles, ceux qui dataient des désaccords de la Réforme comme ceux qui dataient de ce qu’on a appelé la période moderniste. Ainsi la Bible et la Tradition ne sont-elles plus opposées comme deux sources distinctes de la Révélation, mais rassemblées dans l’unité de cette révélation. Comprendre Vatican II c’est entrer dans le mystère même d’un Dieu qui se révèle toujours par sa parole vivante. La Tradition est l’expression même de cette vie qui s’est déployée jusqu’à nous et continue à se déployer aujourd’hui pour nous.