On connaît les raisons historiques pour lesquelles trois de nos départements ont conservé leur statut concordataire, échappant ainsi aux dispositions de la loi de 1905. L’Alsace et la Lorraine mosellane étant revenues dans le giron français en 1918, leur statut dérogatoire n’a pas été aboli, en dépit de beaucoup de pressions. C’est la population de ces trois départements qui tenait à ce régime particulier qui avait fait ses preuves. Depuis lors, la République française s’est résolue à maintenir cette particularité, qui se comprenait d’abord par l’histoire. Trois communautés religieuses – catholique, protestante et juive – coexistent dans la paix et elles répondent aux attentes spirituelles, mais aussi sociales, des Alsaciens et des Mosellans.
Après un siècle, une modification est cependant intervenue, celle apportée par la présence de plus en plus massive de l’immigration, et donc de l’islam. Cette quatrième composante pouvait-elle s’inscrire dans la tradition commune ? Beaucoup l’espéraient, mais la religion nouvelle venue appartient à une autre civilisation et l’apparition d’une tendance dite islamiste contredit tous les critères de la coexistence harmonieuse.
Scandale de la mosquée de Strasbourg
On s’en est aperçu avec le scandale né de la construction d’une immense mosquée à Strasbourg, sous dépendance de la Turquie. D’évidence, la création de cette mosquée crée un grave climat de conflit dénoncé dans tout le pays. C’est la municipalité écologiste de la capitale alsacienne qui a mis le feu aux poudres, en apportant une importante subvention pour la construction de la mosquée. Et cela en se réclamant du régime concordataire. Il n’en fallait pas plus pour réveiller l’hostilité traditionnelle de certains à ce qu’ils considèrent être la négation de la laïcité. Profitant du climat, la Libre pensée a obtenu un sondage qui témoigne d’un revirement de l’opinion locale, qui demanderait désormais un alignement sur le régime commun.
Mais c’est sans doute aller vite en besogne. L’islam radical ne saurait entrer dans les cadres de la continuité historique. Ce n’est qu’à des conditions rigoureuses qu’un autre partenaire peut s’insérer dans un consensus à long terme. Par ailleurs, le régime commun français n’est pas non plus sans poser de sérieux problèmes. Marlène Schiappa organise des états généraux de la laïcité, afin de répondre à des difficultés de reconnaissance de ce régime centenaire, lui-même en crise pour les mêmes raisons que celles qui affectent le système concordataire.
Quel que soit le régime envisagé, le problème est toujours d’obtenir la meilleure régulation entre la liberté religieuse et les exigences du bien commun. La laïcité à la française est une spécificité nationale, souvent incomprise chez nos voisins les plus immédiats. Certes, la séparation du spirituel et du temporel est un impératif qui correspond d’ailleurs à l’autonomie du religieux. Mais les relations pratiques entre les deux domaines appellent une sorte de connivence dans la durée. Il a fallu un certain temps pour que la loi de Séparation de 1905 soit amendée des dispositions contraires à la nature de l’Église catholique.
C’est dans cette voie qu’il s’agit de persévérer, c’est-à-dire celle qui permet la pacification dans la continuité de l’histoire. C’est vrai aussi pour l’Alsace et la Lorraine mosellane.