Si le mouvement des gilets jaunes a semblé marquer le pas samedi, il n’est nullement avéré que le gouvernement est sorti de la zone de crise. Emmanuel Macron est le premier persuadé qu’il n’est pas tiré d’affaire et qu’il a d’abord tout intérêt à ce que les mesures concrètes qu’il a annoncées rentre rapidement dans les faits. Comment se déroulera la grande concertation annoncée et qui devrait être amorcée dès cette semaine, sous la direction de Chantal Jouanno, l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy ? Nous sommes dans l’incertitude, les questions posées étant d’une telle complexité et risquant même d’attiser les oppositions plutôt que de réconcilier les esprits.
Les différentes familles politiques sont-elles à même de donner des réponses cohérentes à une crise qui remet tellement les choses en question ? Si l’on en croit Christiane Taubira, pourtant figure de proue de la gauche, celle-ci n’est pas du tout en état de répondre à ce qu’on pourrait espérer d’elle. Dans Le Journal du dimanche, elle déclare que « la responsabilité de la gauche est lourde, très lourde, sur le passé, sur le présent. Elle peut l’être plus encore si la gauche ne comprend pas que c’est à elle qu’il revient d’offrir un débouché politique à ce mouvement. La justice sociale, les conditions de travail, le niveau de vie, la mobilité, l’exclusion, l’urbanisme qui isole : tous ces sujets sont ceux de la gauche. Elle doit dégager très vite une perspective, au lieu de continuer à bavarder, rabâcher, radoter des choses informes et insensées. Elle doit offrir de vraies réponses. »
Le philosophe Jean-Claude Michéa répondrait sans doute à Mme Taubira que c’est la gauche qui s’est mise dans l’impossibilité de répondre aux requêtes des gilets jaunes, puisque, en 1983 sous Mitterrand, elle s’est ralliée de fait à la philosophie libérale, à laquelle elle n’a ajouté que des requêtes libertaires avec les réformes sociétales dont Mme Taubira est d’ailleurs la super championne. Comment apporter un peu de cohérence à un débat qui s’engage dans de telles conditions ? Je n’oublie pas que l’épiscopat français a lui aussi décidé d’associer notre Église à la grande concertation nationale. On ne peut donc mieux attester qu’il s’agit d’une œuvre civique à laquelle nul ne saurait se dérober.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 17 décembre 2018.
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Photo : Paris, 08/12/18 – Gilets jaunes « acte 4 » Gaz lacrymogène. © Olivier Ortelpa