Quand un prêtre, un rabbin, ou un pasteur est invité à offrir une bénédiction pendant un événement public — ce qui arrive de moins en moins fréquemment ces jours-ci — comment devrait-il prier à cette occasion ?
Devrait-il prier comme il le fait normalement dans sa congrégation ? Ou devrait-il assumer le rôle d’un ecclésiastique « général » qui, avec son auditoire, fait abstraction de la manière dont il prie devant sa propre assemblée ?
Cette question n’est pas sur saint Paul devant le dieu « inconnu » des Athéniens pour lequel il était censé parler. (Actes des Apôtres 17:23) Le dieu « inconnu » en Grèce n’était pas une « abstraction ». Il était censé être une entité existante dont les dimensions exactes n’avaient pas encore été définies par les habitants. Le Dieu hébreu se définissait comme « Je suis » – ce n’était pas une abstraction.
Dans nos lois ou nos coutumes, il n’existe aucun « ecclésiastique général » assigné à un groupe spécifique. Dans l’armée, les aumôniers de différentes dénominations doivent prier à certaines occasions générales où toutes les troupes doivent être présentes. Chaque ecclésiastique reconnu appartient à une dénomination qui, à son tour, autorise sa fonction ecclésiale.
Récemment sont apparus des ecclésiastiques « athées » et même une religion « satanique ». Il existe –dit-on – de 20.000 à 30.000 congrégations protestantes. Peu de gens supposent qu’il existe un nombre équivalent de dieux, bien que les païens en aient eu d’assez nombreux, tout comme les Hindous. Généralement, dans les situations polythéistes, nous trouvons des dieux plus ou moins importants.
Ce pays n’a pas de religion officielle. Il encourage et respecte (ou le faisait) la plupart des religions qui n’ont pas de défauts évidents. Il préfère que chaque ecclésiastique prie à la manière de sa propre religion. Nous sommes tous d’accord pour écouter respectueusement, même si ce n’est pas exactement notre manière.
La plus récente revendication est que, parce que « je ne suis pas d’accord » avec une religion donnée, il est offensant pour moi d’ « entendre » en public une prière que je n’aime pas. (Les catholiques ont autrefois utilisé cet argument au sujet de la prière dans les écoles publiques.) Par conséquent, aucune prière publique ne devrait être autorisée parce que quelqu’un peut être offensé par presque n’importe quoi. Cette interprétation est tout simplement une forme de censure exercée au nom de ma vision des dieux.
Elle est contraire au sens de la religion dans ce pays où aucun dieu « abstrait » n’est reconnu. Cependant, nous pouvons, comme un acte de miséricorde, demander à un ecclésiastique qui a l’habitude de faire des invocations d’une heure de les diminuer jusqu’à deux ou trois minutes sans offenser les plus profondes convictions de quiconque.
Mais ce qui me concerne ici, c’est la notion selon laquelle, si nous faisons suffisamment abstraction de croyances particulières au sujet de Dieu, éventuellement nous arriverons à un « dieu » que nous pourrons tous accepter. Alors nous pourrons nommer un ecclésiastique à la cervelle creuse pour le représenter devant tout le peuple, dont aucune personne n’aura rien de spécifique à soutenir sur la nature de la divinité.
Maintenant, apparemment, les citoyens ont un « droit » préalable à ne pas entendre quoi que ce soit sur aucun dieu si cela dérange n’importe quel citoyen. De vagues assurances sont données que ce « dieu » abstrait auquel les ecclésiastiques adressent nos pétitions peut être « adoré » par tout le monde. Ce « dieu » public désigne une abstraction dont on ne peut pas dire grand-chose.
Des chercheurs nous assurent que, dans l’histoire de l’humanité, y compris aujourd’hui, la plupart des gens croient à un Dieu de quelque sorte. Les problèmes actuels se posent généralement sur la question de savoir si nous pouvons tous croire à la même entité que les musulmans appellent Allah. Voilà où le problème de l’abstraction est le plus important.
Allah est un. Le Coran nous dit spécifiquement que le Christ n’était pas divin, qu’il n’a pas été crucifié et que croire en la Trinité est du polythéisme. Affirmer ces enseignements constitue un blasphème. L’Islam vient après le Christianisme dans le temps. Pour les musulmans, il corrige les erreurs fondamentales du Christianisme.
Pour encourager le « dialogue » et la « paix », cependant, on nous dit qu’en fin de compte toutes les religions vénèrent le même Dieu. Cette proposition semble hautement improbable étant donnés le texte et l’expérience réels.
On nous dit que si nous faisons abstraction des différences dans les religions, nous arrivons à une source commune. Soit toutes les religions abrahamiques soit toutes les religions ont une fois tenu à celui-ci-et même dieu, Allah, dans ce cas. Donc, nous « croyons » tous dans le même Dieu. Tout ce que nous devons faire, c’est de renoncer aux croyances spécifiques d’une religion donnée, qui ont été ajoutées «plus tard ».
Ce dieu abstrait rejette la « violence ». Logiquement, quand une religion précise que la violence peut être utilisée au nom de son dieu, ce ne peut pas être une religion. Il faut l’appeler une secte de terroristes ou quelque chose du même genre. Si ce qui est révélé encourage la violence, alors ou la religion est fausse, ou la théorie qu’aucune religion n’encourage la violence est erronée.
Alors, pouvons-nous prier un « dieu » abstrait en espérant comme cela éviter tout jugement sur quel dieu en particulier nous croyons ? Je ne pense pas. Nous ne pouvons pas éviter le logos, le Dieu qui est, en faisant abstraction de tous les éléments qui révèlent que Dieu est Dieu, ou qui, au contraire, montrent clairement que ce dieu particulier n’est pas Dieu.
Le mardi 23 mai 2017
Illustration : Icone de la Trinité par Andrey Rublev, c. 1400 [Galerie Tretyakov, Moscou)
Pour aller plus loin :
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- Jean-Paul Hyvernat
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- LE MINISTERE DE MGR GHIKA EN ROUMANIE (1940 – 1954)